Fin février, des armes saisies en plein cœur de Niamey et plus précisément de la mission européenne EUCAP Sahel ont relancé la théorie de déstabilisation par Paris du régime tenu par les militaires au Niger.

C’est un nouvel épisode dans la guerre informationnelle entre le nouveau régime installé Niger et la France. Dernier épisode en date, un reportage de la télévision nationale nigérienne accusant la France de préparer des actions militaires contre la junte après une perquisition menée dans une villa de Niamey. Les images ont été diffusées par la RTN, la télévision nationale, puis reprises sur le compte Twitter du CNSP (Conseil national pour la sauvegarde de la patrie). On y voit notamment la Police et la Gendarmerie nigériennes découvrir des armes entreposées (fusils d’assaut, pistolets, grenades…) avec pour commentaire : « Voici l’arsenal que les militaires français ont laissé derrière eux », la France étant accusée de poursuivre une « stratégie de déstabilisation » contre la junte nigérienne.

Cependant, les vérifications menées par la cellule désinfox de RFI ont montré que les armes perquisitionnées par les forces nigériennes, et notamment les fusils d’assaut AR18, ne sont pas utilisés par l’armée française. De même, d’autres éléments viennent corroborer la désinformation : certains équipements, comme les gilets pare-balles ou les munitions, sont rattachés aux équipements utilisés par les éléments européens. Après recoupements, il apparaît que la villa perquisitionnée servait à loger des éléments d’EUCAP Sahel, présente au Niger depuis 2012.

Une porte-parole de l’Union européenne a par la suite confirmé ces éléments de vérification : « Lundi soir, sans avertissement préalable ou coordination, les Forces de sécurité intérieures nigériennes ont pénétré dans les bâtiments de la mission civile Eucap à Niamey. Elles ont procédé à des fouilles et ont réquisitionné une certaine quantité de matériel de protection […]. Cet événement regrettable vient s’ajouter à d’autres incidents hostiles et injustifiables contre l’UE et ses États membres au cours des derniers mois », a-t-elle déclaré.

Tout en regrettant cet incident, elle a dénoncé « le non-respect flagrant par les autorités militaires de fait des privilèges et immunités accordés par l’accord juridique conclu entre le Niger et l’UE (SOMA – Status of Mission Agreement), mais aussi de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. »

Cet incident n’est pas le seul. Depuis le renversement du régime de Bazoum, les relations entre la France et le Niger se sont considérablement détériorées et les accusations de déstabilisation sont régulières. En septembre 2023, la France a été accusée de préparer un complot contre le Niger après la découverte d’une tenue militaire burkinabè dans un véhicule sortant de l’ambassade de France. De même, en octobre, les nouvelles autorités de Niamey avaient publié sur sa chaîne WhatsApp officielle une vidéo accusant la France de former des terroristes au Sahel ; alors qu’il s’agissait d’une vidéo tournée lors d’une séance d’entraînement de l’armée malienne au nord du Mali, peu avant le retrait de la force Barkhane.

Malgré le retrait des forces françaises du Niger à la demande des nouvelles autorités, celles-ci ne ratent pas une occasion d’accuser le France de déstabilisation.