Alors que la fin de la transition se profile avec la désignation, le 13 janvier courant, de son Président comme candidat à la magistrature suprême fin 2024, Amina Priscille Longoh, humanitaire et femme politique tchadienne, revient pour Jeune Afrique sur le nouveau contrat social sur lequel mise le gouvernement.

Le processus de transition en cours au Tchad se déploie sur plusieurs fronts afin qu’advienne enfin dans notre pays une société durablement apaisée, construite autour des valeurs cardinales de concorde et de progrès que l’ensemble des Tchadiens appellent de tous leurs vœux. Dans cette dynamique, les préoccupations d’ordre sécuritaire et celles relatives au renforcement des édifices institutionnels et de l’État de droit ont occupé, à juste titre, l’essentiel de l’agenda du gouvernement et de nos partenaires au développement.

Construire la cohésion nationale

Notre pays est, dans le même temps, engagé dans un processus de rassemblement de ses filles et de ses fils pour mettre à contribution le meilleur de son immense potentiel humain et matériel au service du bien-être des générations présentes et futures. Dans cette perspective, l’apport de chaque Tchadienne et de chaque Tchadien sera nécessaire dans le vaste chantier de la construction de notre maison commune. Mais, pour atteindre cet objectif commun, le Tchad a besoin de la mobilisation de tous ses atouts humains, par-delà nos spécificités de genre, nos croyances, nos confessions religieuses et nos obédiences politiques.

Les gouvernements qui se sont succédé au Tchad depuis l’arrivée au pouvoir du Mouvement patriotique du salut (MPS), le 1er décembre 1990, ont intégré dans les politiques publiques l’impérieuse nécessité de construire la cohésion nationale autour de piliers tout aussi importants que la famille, les droits des femmes, la petite enfance et la solidarité nationale. Ce souci s’illustre au niveau de notre Constitution, socle juridique de notre vivre ensemble, y compris la nouvelle Constitution récemment adoptée par voie référendaire et promulguée le 29 décembre 2023 par le président de la transition, Mahamat Idriss Déby Itno.

En effet, comme en témoignent toutes les reconstructions étatiques ou sociétales post-conflits, la paix ne se bâtit pas uniquement entre les belligérants ou les acteurs en vue sur la scène politique. Elle doit prendre racine dans les entrailles de la société, là où se construisent les valeurs et les représentations collectives.

Au cœur de la cellule familiale

À cet égard, les politiques de la famille, comme celles en direction des femmes ou de la petite enfance au Tchad, se sont arrimées aux évolutions juridiques et institutionnelles consacrées par la communauté internationale. Il s’agit notamment des objectifs de développement durable (ODD), de la déclaration de Beijing, de la résolution 1325 des Nations unies, pour s’en tenir aux conventions internationales les plus en vue.

Point n’est besoin de rappeler qu’au Tchad, comme ailleurs en Afrique et dans de nombreux espaces de civilisation à travers le monde, la femme est le centre de gravité de la cellule familiale. Parmi les innovations institutionnelles mises en place dans le droit fil du système des Nations unies figurent les programmes emblématiques que sont le plan d’action quinquennal de la mise en œuvre de la politique nationale Genre 2019-2023, le plan d’action quinquennal de la stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG).

Aussi, depuis notre nomination à la tête du ministère, en juillet 2020, nous avons modestement contribué à l’adoption et à la mise en œuvre de certaines mesures :

  • Adoption du décret 0433/PR/MFFPE/2021 portant application de l’ordonnance 012 instituant la parité en République du Tchad ;
  • Création de l’Observatoire pour la promotion de l’équité genre par décret 2210/PCMT/PMT/MFFPE/2022 ;
  • Création de l’Agence nationale de protection et de promotion des droits des personnes handicapées par la loi 013/PT/2023 ;
  • Création du Centre national de réinsertion des enfants vulnérables par la loi 011/CMT/2022 et son décret de fonctionnement ;
  • Mise en place de la Women Situation Room appuyée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour la réussite du Dialogue national inclusif ;
  • Mise en place d’un numéro Vert pour dénoncer les violences basées sur le genre  ;
  • Création des centres de prise en charge des victimes des violences avec l’appui du PNUD ;
  • Elaboration du plan quinquennal de la stratégie nationale de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) ;
  • Elaboration de la première génération du plan d’action de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies.

La politique nationale genre au Tchad pose un cadre de référence en vue de son appropriation collective, qu’il s’agisse des décideurs étatiques, des politiques ou des acteurs de la société civile. « Elle vise la réduction des inégalités et des disparités entre les hommes et les femmes, les filles et les garçons, ainsi que les catégories, ces catégories que composent les femmes, les jeunes, les handicapés, les enfants de la rue et autres personnes vulnérables qui vivent des inégalités liées à leur statut. »

Un département clé

La lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) demeure l’un de nos chevaux de bataille. Le gouvernement du Tchad a ainsi mis en place des cellules d’alerte qui permettent aux victimes de se rapprocher de nos services compétents et de recevoir une assistance sanitaire, psychologique, voire juridique. Nous menons aussi des actions fortes de sensibilisation et de prévention à travers le pays, en partenariat avec les organisations de la société civile et l’appui de nos partenaires au développement.

Force est de constater qu’au Tchad, comme dans bien d’autres pays, les violences dont sont victimes les femmes sont très souvent liées à une faible autonomisation de celles-ci. Qu’il s’agisse de la femme urbaine comme de la femme rurale, de la femme adulte comme de la jeune fille, le gouvernement apporte sans relâche, avec les appuis matériels et financiers de nos partenaires au développement, son soutien afin de les éloigner autant que possible des situations de vulnérabilité.

Toutes ces politiques publiques sectorielles s’inscrivent dans une politique globale du gouvernement, à travers la Politique nationale de genre portée par le ministère de la Femme et de la Protection de la petite enfance. La décision récente du chef de l’État d’en faire l’un des départements ministériels clés de son gouvernement, en nous élevant au rang de ministre d’État, atteste de l’importance qu’il accorde aux questions sociétales dans notre nouveau contrat social.

Amina Priscille Longoh, Ministre d’Etat, Ministre de la Femme et de la Protection de la Petite enfance

Tribune parue le 18 janvier 2024 dans Jeuneafrique