Plusieurs personnes passent des jours dans les commissariats sans être présentées à un juge. Comment savoir si une personne est placée en garde à vue ? Quel est l’objectif de la garde à vue ? Qui peut décider de placer une personne en garde à vue ? Quelle est la durée normale de garde à vue ? Qui peut mettre fin à la garde à vue ? C’est entre autres à ces questions que nous allons tenter de répondre dans article.

La garde à vue est une mesure privative de liberté prise à l’encontre d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction, un acte interdit par la loi et passible de sanction pénale. La garde à vue permet à l’enquêteur d’avoir sous les bras la personne suspectée d’un crime pour pouvoir l’interroger et vérifier si ses déclarations sont exactes. Une personne peut être mise en garde à vue uniquement s’il lui est reproché un crime, une infraction la plus grave punissable par une peine de prison (viol ou assassinat par exemple) ou un délit jugé par le tribunal correctionnel et puni principalement d’une forte amende et/ou d’une peine d’emprisonnement inférieure à 10 ans. D’après le juriste Ludovic Noumasserie, il faut qu’il existe des raisons valables pouvant faire croire que la personne a commis ou a tenté de commettre une infraction.

Un officier de police judiciaire (OPJ), à son initiative ou sur instruction du procureur de la République, peut décider d’une garde à vue, poursuit-il. Il ajoute par ailleurs que l’OPJ peut être un gendarme ou un policier. Dès le début de la garde à vue, il doit en informer au procureur de la République.

Le procureur de la République peut décider de vous faire emmener au tribunal à l’issue de la garde à vue. Elle est l’unique moyen qui permet de continuer l’enquête avec la présence de la personne suspectée, garantir la présentation de la personne à la justice, empêcher la destruction d’indices et preuves, empêcher toute pression sur les témoins ou les victimes et arrêter l’infraction en cours. La garde à vue permet également d’empêcher une concertation, c’est-à-dire une conversation avec les complices d’un crime.

 L’officier de police judiciaire (OPJ) doit informer immédiatement et dans une langue qu’elle comprend, la personne gardée à vue, le début de la garde à vue, sa durée et possibilité d’une prolongation de sa durée initiale, de l’infraction qu’elle est suspectée d’avoir commise, date et lieu présumés de celle-ci, les objectifs visés par la garde à vue, le droit d’être examiné par un médecin, le droit de faire prévenir par téléphone un proche (un seul), son employeur, et si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de son pays. D’après le juriste, l’OPJ doit également informer la personne placée garde à vue de son droit d’être assistée par un avocat, choisi par elle ou commis d’office, dès le début de la garde à vue, son droit d’être assisté par un interprète, son droit de se taire, de faire des déclarations ou de répondre aux questions de l’OPJ, son droit de présenter des observations au magistrat qui peut faire une prolongation de la garde à vue ainsi que son droit de lire, au plus tard avant l’éventuelle prolongation de la garde à vue, le procès-verbal indiquant le début de la garde à vue, les procès-verbaux d’interrogatoire. S’il existe, il peut également lire le certificat médical établi par le médecin venu l’examiner dans les locaux de la police judiciaire.

Droits et obligations d’une personne placée en garde à vue

Selon Ludovic Noumasserie, la personne suspectée et placée en garde à vue a le droit de faire prévenir un proche de sa garde à vue. Elle ne peut prévenir qu’un seul proche parmi lesquels : une personne avec laquelle elle vit habituellement, son père ou sa mère, un de ses grands-parents, un de ses enfants, un frère ou une sœur. Mais pour garder ou obtenir de nouvelles preuves, le magistrat en charge de l’enquête peut décider que le proche ne soit pas prévenu, ou qu’il le soit plus tard. Par exemple, s’il faut faire une perquisition, pour éviter la dissimulation de preuves, le procureur de la République peut retarder le moment où il prévient la personne choisie par le suspect.

Le procureur peut aussi retarder l’information à un proche ou même ne pas l’accorder pour empêcher une atteinte grave à la vie, la liberté ou l’intégrité physique d’une personne. C’est le cas par exemple si le procureur craint qu’un membre de la famille du suspect agresse le plaignant ou un témoin. La personne gardée à vue peut demander à communiquer avec un de ses proches par écrit, par téléphone, ou à avoir un entretien. L’OPJ peut refuser si cette communication risque de perturber l’enquête et de permettre une nouvelle infraction, indique Ludovic.

Droit à un avocat

Le suspect gardé à vue peut demander l’aide d’un avocat dès le début de la garde à vue. Il désigne un avocat qu’il connaît ou il demande un avocat commis d’office.

Si le suspect gardé à vue demande un avocat, sa 1ère audition doit débuter en présence de son défenseur sauf si l’audition porte uniquement sur son identité, indique le juriste. Si un délai de 2 heures s’est écoulé depuis le contact de l’avocat et que l’avocat n’est pas arrivé sur place, l’audition peut tout de même avoir lieu, précise-t-il. Le magistrat chargé de l’affaire (juge ou procureur de la République) peut autoriser une audition immédiate.

D’après le juriste, Ludovic Noumasserie, à son arrivée, l’avocat peut s’entretenir avec son client pendant 30 minutes et consulter les documents suivants : procès verbaux d’audition, procès verbal concernant le placement en garde à vue, certificat médical (s’il a été établi). En cas de prolongation de la garde à vue, l’avocat peut une nouvelle fois s’entretenir avec son client pendant 30 minutes. L’avocat peut assister à tous les interrogatoires et prendre des notes. Il peut aussi assister la personne gardée à vue lors d’une reconstitution ou être présent lors d’une séance d’identification à laquelle le suspect participe.

À la fin de chaque interrogatoire, l’avocat peut poser des questions. L’OPJ peut s’y opposer uniquement si celles-ci sont de nature à empêcher le bon déroulement de l’enquête, rappelle le juriste. L’avocat peut également faire des observations dans lesquelles il peut noter les questions refusées. Ces observations sont jointes à la procédure. Si la personne gardée à vue est transportée dans un autre endroit, son avocat est immédiatement averti.

Palpation ou fouille

La personne gardée à vue peut faire l’objet d’une palpation de sécurité ou d’une fouille si elle est nécessaire pour l’enquête. Ces actes sont effectués par la police ou la gendarmerie, souligne Ludovic Noumasserie.

Palpation manuelle ou avec une détection électronique

Un agent, de même sexe que la personne fouillée, la touche sur ses vêtements. Cet agent peut lui demander d’enlever certains vêtements, mais une mise à nu intégrale est interdite. Cette palpation a pour but de vérifier que le suspect gardé à vue n’a pas sur lui un objet dangereux (arme blanche ou arme à feu). Le consentement n’est pas obligatoire, rappelle-t-il.

Fouille intégrale 

si les 2 actes ci-dessus sont insuffisants. Elle doit être indispensable pour l’enquête. Le suspect gardé à vue peut être amené à se déshabiller, informe notre juriste. Cette fouille doit être faite par un OPJ de même sexe que la personne fouillée et dans un lieu fermé.

Seul un médecin peut effectuer une fouille dans le corps. Elle est utilisée si le suspect gardé à vue est soupçonné de cacher un objet à l’intérieur de son corps (boulette de drogue par exemple), rapporte Ludovic.

Durée de garde à vue

La durée de la garde à vue est de 24 heures, mais cette durée peut être abrégée ou prolongée. Le début de la garde à vue est le moment où le suspect est retenu, parfois avec force, par l’OPJ. Par exemple, le suspect est empêché de partir des locaux de la police judiciaire. Il doit être informé immédiatement de son placement en garde à vue. Mais l’information peut être faite plus tard, si la situation ne le permet pas au moment où la garde à vue commence (Conduite en état d’alcoolémie ou sous stupéfiant). Il faut signaler que si une personne est arrêtée lundi à 15 h puis amenée au commissariat à 16 h, le début de la garde à vue est 15 h et la fin sera mardi à 15 h.

Prolongation

La durée de la garde à vue est de 24 heures. Elle peut être prolongée de 24 heures supplémentaires si le crime ou le délit que l’on reproche est puni par la loi d’au moins 5 ans d’emprisonnement, soit 48 heures maximum. La garde à vue peut être prolongée si l’infraction reprochée est punie d’une peine de prison d’au moins 1 an. La prolongation doit être l’unique moyen d’atteindre l’un des objectifs qui a permis la garde à vue initiale. La durée de la garde à vue peut être augmentée de 24 heures (48 heures au total), article 57 du code de procédure pénale. Cette prolongation est décidée par le procureur de la République (PR) en cas d’enquête de flagrance (enquête ouverte par OPJ qui constate qu’une infraction a été commise ou est entrain d’être commise) ou enquête préliminaire (enquête mise en œuvre par la Police Judiciaire, à son initiative ou à la demande du PR avant une ouverture d’une éventuelle instruction ou par le juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire). Avant cette prolongation, le suspect gardé à vue peut être entendu par le magistrat compétent. Il peut être entendu au tribunal ou par visioconférence. Pour les infractions graves, la garde à vue peut être prolongée pour atteindre la durée totale de 72 heures (ou 96 et 144 heures, en cas de trafic de drogue, terrorisme…). Dans ces cas, la décision est prise par le juge d’instruction, lors d’une information judiciaire, ou par le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) dans les autres cas.

La garde d’un mineur

La garde à vue est impossible pour un enfant âgé de moins de 13 ans. Une mesure de retenue ou de garde à vue n’est pas possible pour un enfant âgé de moins de 10 ans. En revanche, à partir de 10 ans, le mineur peut être entendu par la police ou la gendarmerie dans le cadre d’une mesure de retenue

Avant l’âge de 10 ans, un mineur ne peut pas être placé en garde à vue ni retenu au commissariat. Entre 10 et 13 ans non inclus, un mineur ne peut pas être placé en garde à vue mais seulement retenu au commissariat pendant 12 heures, délai renouvelable exceptionnellement de 12 heures supplémentaires, soit 24 heures maximum, sous certaines conditions. Entre 13 et 16 ans non inclus, tu peux être placé en garde à vue s’il existe des indices laissant présumer que tu as commis, ou tenté de commettre, une infraction.. 

De 16 à 18 ans non inclus, tu peux être placé en garde à vue s’il existe des indices laissant présumer que le mineur a commis, ou tenté de commettre, une infraction. La durée de cette garde à vue est de 24 heures, renouvelable une fois, soit 48 heures maximum, même si le crime ou le délit que l’on te reproche est puni d’une peine inférieure à 5 ans d’emprisonnement.

En cas d’infractions particulièrement graves (par exemple : actes de terrorisme, trafic de stupéfiants, ou meurtre et actes de barbarie commis en bande organisée), la garde à vue peut faire l’objet de 2 prolongations supplémentaires de 24 heures chacune, soit un maximum de 96 heures.