L’affairisme de certaines personnes autour du palais d’Etoudi dans les agissements de Savannah et le pétrole tchadien met à mal les relations séculaires entre le Tchad et le Cameroun. Branle-bas dans les relations diplomatiques entre ces deux pays depuis l’annonce du rappel de l’ambassadeur tchadien pour consultation.

Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?

Pour en arriver là, il s’est passé beaucoup de choses, mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase est sans nul doute la signature d’un accord d’achat par le Cameroun à Savannah de 10% des parts dans la société de transports des hydrocarbures COTCO pour un montant de 44.9 millions $ par la SNH (Société nationale des hydrocarbures). Et cela “en contradiction avec les conventions et les statuts de COTCO” a fait savoir le secrétaire général de la présidence Gali Ngata Ngothe. En français facile ça serait, Savannah a vendu au Cameroun quelque chose qui ne lui appartient pas, vu que les parts d’Esso ont été nationalisées par une loi votée à plus de 90% par les députés tchadiens.

Autre point de discorde, le silence radio quasi « irrespectueux » qu’impose l’administration camerounaise au Tchad. Depuis plus de deux mois, plusieurs courriers, sollicitations et requêtes de N’Djamena sont restés lettre morte.

Le point qu’on pourrait qualifier de plus important ou du moins le plus stratégique en ce sens que la solidarité sous-régionale ainsi que les relations de bon voisinage auraient eu tout leur sens, c’est l’avis de non-objection que le Tchad attend de la part du Cameroun dans son opération de rachat des parts de Petronas (35%). C’est une opération qui est déjà bouclée à qui il ne manque que la forme, ici matérialisée par la demande d’agrément de la vente envoyé à la CEMAC. À la grande surprise générale, le Cameroun se trouve être le seul pays de la sous-région à ne s’être pas prononcé alors que tous les autres ont marqué leur accord.

En effet, on nous fait savoir que dans le bras de fer qui oppose l’État tchadien et la firme anglaise Savannah Energy, le Tchad, fort de ses relations avec le Cameroun, attendait une solidarité naturelle. “Car le Tchad s’est toujours rangé du côté du Cameroun chaque fois que cela a été nécessaire”, nous fait savoir un haut cadre de la Présidence. Il poursuit “ce qu’on vient de subir n’est plus ou moins qu’une trahison qui est le fait d’un cercle de lobbying et d’influence au sein de la Présidence camerounaise et qui ne réalise pas les enjeux d’une telle opération.”

Il faut le dire, le Cameroun sert de passerelle au Tchad dans l’exploitation des champs pétroliers de Doba. Car, c’est au port de Kribi que le brut tchadien prend la direction des marchés internationaux. Les retombées pour le Cameroun sont énormes. Et le bon sens aurait voulu que ce pays ami soutienne le Tchad dans le bras de fer qui l’oppose à Savannah Energy dans le rachat des actifs d’Esso Chad.

Une question de souveraineté

En réalité dans cette affaire, le Tchad joue sa souveraineté et sa sécurité énergétique. Sa décision de privatiser les actions d’Esso est une manœuvre stratégique visant à sécuriser sa souveraineté financière et sa dignité. Car, dans cette opération de vente “sans son aval”, il semble avoir laissé son honneur en se faisant rouler dans la farine par les fins limiers du mastodonte américain.

Si vous parlez aux gens proches du dossier ou du cercle restreint du Président de la transition, ils vous relèveraient qu’ils en font une affaire d’Etat et ne semblent pas vouloir rendre les armes sans avoir livré bataille. Comportement typique des guerriers tchadiens vous direz. Mais la bataille s’annonce longue et pénible. Car, chaque bord affûte ses armes et renforce son armée d’avocats, fins limiers et stratèges de tout genre.

Mahamat et Biya, une relation père et fils

Au vu de cette sortie tonitruante et inédite dans les relations tchado-camerounaise et qui de mémoire d’un diplomate camerounais que nous avons joint “il n’y a jamais eu une telle escalade de tension entre nos deux pays depuis les indépendances. Très inquiétant !

Depuis la mort du Maréchal Idriss Deby Itno et le début de la transition, le patriarche camerounais a eu une attitude paternaliste et bienveillante à l’égard de Mahamat Deby Itno, président de transition. Il suffit de regarder les images de leurs différentes entretiens et rencontres. Il se susurre que Biya a beaucoup de compassion pour Mahamat qu’il appelle affectueusement “mon fils”.  Cette tension diplomatique aura-t-elle raison de cette relation père et fils ? Wait and see!