Le président de transition Mahamat Idriss Deby Itno a rallié plusieurs opposants de l’ancien régime à sa cause. Les plus farouches à son pouvoir sont poussés à l’exil suite à la marche du 20 octobre 2022. Lesquels sont les derniers à s’opposer à lui ?

« Je ne suis pas le dernier opposant », rétorque Max Kemkoye avec un large sourire. « Nous sommes plusieurs. Je regrette seulement que face à l’adversité aiguillée, aux enjeux… beaucoup se sont compromis pour de l’argent », dit-il sur un ton d’indignation. De son fauteuil, le président du parti Union des démocrates pour développement et le progrès (UDP) se défend d’être le dernier opposant.  « Il y a mon ami Neatobei Bidi Valentin », cite-t-il en exemple, le président du Parti africain pour la paix et la justice sociale (PAPJS). « […] Pendant que les autres rampent à terre, font feu de tout bois pour regagner l’autre côté de la rive, lui a refusé de siéger au Conseil national de transition (Cnt) », soutient le juriste qui peine à donner d’autres noms.

Le déclic

À la prise du pouvoir des militaires en avril 2021, des opposants au régime du feu président Idriss Deby Itno ont haussé le ton et exigeaient le retour à l’ordre constitutionnel. Dans les vagues de contestation, le nouvel homme fort de N’Djamena désigne Pahimi Padacké Albert Premier ministre de transition. Celui constitue son gouvernement et fait de la place aux contestataires : Mahamat Ahmat Lazina, du Mouvement national pour le changement au Tchad (MNCT), Mahamat Ahmat Al-Habo, du Parti pour les libertés et le développement (PLD), Abderahim  Awat Ateib de l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR), entre autres, sont nommés respectivement ministres de l’Environnement, de la Justice et de l’Elevage.

Leur décision d’embarquer dans le navire de transition fait grand bruit

Il faut attendre l’issue du dialogue national inclusif et souverain tenu du 20 août au 8 octobre, pour que l’opposant historique, Saleh Kebzabo soit propulsé chef du gouvernement d’union nationale. Lui qui avait condamné la prise du pouvoir des militaires au départ. A son tour, sa nomination fait des vagues et sonne comme une trahison dans le camp de ses anciens camarades de lutte. D’autres avant lui comme Djekombé François et consorts auraient justifié leur choix de vouloir changer les choses de l’intérieur. Deux jours avant l’arrivée de Kebzabo à la tête du gouvernement, son ami Gali Ngothé Gatta, qui a dirigé le présidium du dialogue national est nommé, le jour même de la clôture du dialogue, ministre d’Etat, secrétaire général de la Présidence.

Dix jours après la nomination comme Premier ministre de celui qui était désigné comme le plus farouche opposant de Déby-père, le 20 octobre 2022, une manifestation contre la prolongation de la transition de deux ans éclate. Elle est réprimée dans le sang et fait officiellement une cinquantaine de morts. D’une voix ferme, le nouveau Premier ministre accuse les organisateurs d’insurrection contre les institutions de la République. Sous pression, plusieurs hommes politiques et leaders de la société civile quittent le pays dans la clandestinité.  Notamment le président du parti Les Transformateurs, Masra Succès, le coordonnateur de la plateforme Wakit tamma, Max Loangar, l’artiste Ray’s kim…

Depuis leur départ précipité, l’étau s’est resserré sur les restants. Certains ont tourné leurs vestes et d’autres ont gardé le silence pour des raisons de sécurité.  Mais pas tous. Le président du parti socialiste sans frontière Yaya Dillo, celui des Démocrates, Pr Avocksouma Djona et le président des Patriotes, Dr Nasour Ibrahim Koursami continuent à s’opposent au pouvoir de transition sur les réseaux sociaux. Une méthode qui est loin d’inquiéter les autorités de transition selon les observateurs. 

Le politologue Evariste Ngarlem Toldé justifie le silence des derniers opposants au régime par l’arrêté du ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation. Décision qui a suspendu les associations et partis politiques ayant appelé à la marche du 20 octobre 2022.  « À l’instant où les activités de ces partis ont été suspendues, il va sans dire qu’il n’y a plus d’opposition dans notre pays. Même le Premier ministre sortant, s’est rallié aujourd’hui dans la majorité », précise-t-il.

Pour lui, Il faut attendre que ces partis et associations purgent leur peine pour tirer le vin. Mais déjà, il estime qu’il leur sera difficile de s’afficher sur l’échiquier.  Une situation qui laisse un boulevard au pouvoir de préparer les échéances électorales sans adversaire de taille conclu-t-il.