Bien que moins valorisé, le domaine artistique regorge des talents qui se voient obligés de s’installer sous d’autres cieux pour vivre de leur art. C’est le cas du peintre Tallafe Ahmat.

S’il est un langage qu’il comprend le mieux, c’est celui des couleurs. Et Tallafe Ahmat, ne s’en cache pas. Cette symbiose presque parfaite, le trentenaire a su la construire. Du quartier Klemat de N’Djaména à Paris au détour de Londres, rien ou peu ne le prédisposait à un parcours éloquent de peintre tchadien à l’international.  

A l’âge de 14 ans, l’amour qu’il a pour la peinture se manifeste. « J’utilisais les peintures de mon père pour concevoir des plaques d’immatriculation et quelques dessins », se remémore Tallafe. Un talent naissant vite remarqué par son entourage. «  A chaque fois que je réalisais des dessins, mes amis me disent de m’inscrire dans une école d’art ». Son père, un chauffeur-mécanicien ne voit pas non plus d’inconvénient à l’encourager. Par son sacrifice et celui de ses proches, Tallafe Ahmat s’envole à Londres, capitale de la Grande-Bretagne, où il intègrera en 2004, l’Oldham School of Art à Manchester.

Dans cette prestigieuse école, son potentiel est canalisé et peaufiné. Diplômé en 2008, Il fera de l’art du portrait et de l’abstraction son dada. Mais de retour au pays, il se confronte à la précarité liée à l’exercice de son métier de peintre. « Ici, il n’ y a pas de galerie. Au musée, il n’y a pas une œuvre d’un artiste contemporain », s’étonne-t-il.  Ce qui l’amène à s’installer en 2009 à Paris en France.

Il y fera alors véritablement ses premiers pas dans le métier en 2010. Et sa première exposition interviendra une année plus tard. « Je représentais les œuvres des Sao ; des enfants talibés et  de l’initiation ( Yondo) », cite-t-il. Malgré l’exigence des commissaires des expositions, Tallafe dit être ferme quant à sa liberté dans le choix des thèmes et sujets à présenter.

En tenant chaque pas lancé gagnant, le fils du chauffeur-mécanicien, enchaine les expositions et voyages : Paris, Londres et Berlin… Au grand bonheur des publics et curieux. Les prix aussi. Son tableau « Confluences » par exemple obtient le prix de la ville de Sainte Geneviève-des-Bois au salon de l’Hurepoix en 2012.

Des chefs-d’œuvre inspirés des chansons de maitre Gazonga, Ahmat Pecos, Talino Manu et ses nombreux voyages. Il en a d’ailleurs offert deux au musée national. Celui qui est issu d’une fratrie de 4 enfants espère voir la situation des artistes s’améliorer dans son pays. « Je voudrais un jour faire une exposition au Tchad sur les droits des femmes et enfants », projette-t-il, tout en relevant avoir déposé « beaucoup » de projets au ministère de la Culture depuis 2012 sans « réponse favorable ».