Un jeune ”vendu” à un groupe de personnes, près de la frontière tchado-libyenne, dans la zone d’orpaillage, et qui a pu s’échapper, raconte son calvaire.

Bedjimadji Valentin fait partie de ces jeunes qui ont voulu saisir leur chance dans l’intention d’améliorer leur quotidien. Tout est parti d’une ”banale” proposition d’emploi. ’’Nous étions quatre avec mes amis au quartier Chagoua (un quartier de N’Djaména), quand ils sont venus nous trouver. C’était au mois de novembre 2020. Ils nous ont dit qu’il y a un chantier à Biltine et qu’on parte travailler. Nous étions partis avec eux. En route, nous nous sommes arrêtés plusieurs fois pour manger et dormir”, retrace-t-il.

 Mais, très vite, ils se rendent compte qu’il s’agissait d’un leurre. ”Quand nous étions arrivés, on s’était rendus compte que nous ne sommes pas à Biltine. On nous a amené dans le lieu d’orpaillage, près de la frontière libyenne. On nous a échangé contre une somme de 300 000 à leurs frères installés sur le lieu.  Au fil du temps, nous travaillons pour leurs frères et le peu d’argent qu’on trouve, ils nous obligent à rembourser les 300 000f CFA’’, relate difficilement la vingtaine.

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Ils ont été soumis à des traitements dégradants. Difficile de s’alimenter et de s’abriter. ”Nous payons un fût d’eau à 18 000 FCFA. Il n’y a pas autre chose à manger à part le gombo sec. Aucune personne ne s’est lavée durant le temps qu’on a mis là-bas.  Nous dormons sous des tentes que nous avons fabriquées à base de bâches’’.

L’horreur

Au fur et à mesure que les jours passent, Valentin voyait ses forces vitales s’épuiser. ’’Nous travaillons tous les jours sans repos. Même quand nos frères meurent, nous les enterrons et nous continuons à travailler. Nous ne savons pas sur quelle base ils nous payaient. Après avoir creusé et trouvé de l’or, ils vendent et nous donnent ce qui leur plaît. Nous avons fait 11 mois’’, confie-t-il.

Il rajoute que ’’si tu tombes malade, il faut quelqu’un pour un engagement afin que tu sois pris en charge. S’il y a personne pour prendre l’engagement, tu es laissé à la merci de la nature. S’il décide de t’amener à l’hôpital, tu rembourseras les frais de soins’’.

L’indifférence et l’insensibilité de leurs bourreaux face à leurs souffrances étaient innommables. ’’Le lieu où je travaillais est un grand trou avec une profondeur d’environ 200 mètres. Si tu n’arrives pas à tenir et que tu fuis, ils te chercheront avec des armes comme un animal. Beaucoup de jeunes sont morts sur le lieu de travail. Certains sont blessés et d’autre ont eu des fractures au niveau de jambes’’.

La fuite

Valentin et ses compagnons, du moins ceux qui ont survécu, avaient un seul objectif en tête malgré l’adversité. ”Au début, ils nous ont mis sous le pied d’une montagne dure. Nous avons souffert pour creuser et leur rembourser la dette. Quelques mois après, nous avions trouvé des montagnes moins dures que nous avions creusées. Nous avions trouvé de l’or qu’ils ont pris et en contrepartie ils nous ont donné quelques billets de banque. Malgré les temps durs, nous avions gardé un peu d’argent pour des éventuels cas”, explique-t-il.

Un jour, ils étaient sortis, et nous avions profité de leur absence pour fuir. Nous étions plus de 40 personnes à traverser les montagnes pour regagner la ville de N’Djamena”. Nous avons beaucoup souffert. Nous demandons juste à l’Etat de ramener nos frères qui sont restés encore sur le lieu’’, lance-t-il, aux côtés de ses camarades rescapés, aux autorités. 

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