Malgré l’existence des textes protégeant l’enfant et la mobilisation des organisations féminines, le mariage de mineures persiste dans la société tchadienne.

Dans un quartier reculé du 9e arrondissement de N’Djaména, vit Zara Monodji (nom fictif attribué à la victime, conformément à ce que recommande l’article 4 de la Charte éthique et du guide pédagogique pour la protection des enfants dans les médias). La jeune fille ne va plus à l’école depuis deux ans et ses journées sont essentiellement réservées aux tâches ménagères. Car, à seulement 16 ans, elle est déjà mère d’un bébé de 10 mois et s’occupe d’un foyer. Cet enfant met ainsi fin à l’enfance de Zara, qui intègre désormais la cour des adultes malgré son très jeune âge. « J’ai essayé de poursuivre les études mais c’était compliqué. Il n’y a personne pour s’occuper de mon enfant et mon mari n’a pas les moyens pour employer une bonne », marmonne Zara.

Elle était en classe de 6eme, lorsqu’elle a contracté la grossesse sans le vouloir et qu’elle doit rejoindre l’auteur. Zara est donc victime d‘un mariage d’enfant et son calvaire ne fait que commencer. Sa situation est une punition que ses parents ont décidé de lui infliger, car selon leur coutume, une fille enceinte ne doit pas continuer à vivre chez les siens. « Ce serait un déshonneur disent-ils », rapporte la fille-mère.

Déshonneur, c’est le principal argument évoqué par les parents pour justifier ce genre de décision. « C’est aussi une leçon qu’on donne à la fille pour éviter une multiplication de grossesse hors mariage dans la famille », renchérit Tolloum Judes, père de cinq enfants.

Eviter le déshonneur d’accord, mais éviter de gâcher l’avenir des enfants est aussi important. Aujourd’hui, Zara ne va plus à l’école et son avenir est hypothéqué.

Dans les organisations féminines, ce comportement des parents qui renvoient les filles de la maison à cause d’une grossesse hors mariage est pris très au sérieux, car il piétine l’intérêt supérieur de l’enfant, contrairement à ce que souhaite l’article 3 de la Convention relative au droit de l’enfant.

C’est dans le but de prévenir ces situations que quelques victimes ont décidé de se mettre en association dénommée : « Association des filles-mères ». Cette association organise des séances de sensibilisation sur les risques de la sexualité précoce. Mais « nous assistons également d’autres victimes avec des conseils, orientations et formations pratiques pour les aider à se prendre en charge », explique la présidente de l’association, Flore Netol Ndakass.

Le réseau des Super banats créé en 2020, par l’Unicef Tchad, mène également ce combat. Sa coordinatrice, Ronel-lembaye Edith, conseille aux parents « de parler de la sexualité et ses risques aux enfants et aussi d’être à leur écoute pour éviter les grossesses non désirées et hors mariage dans les familles ».

Si l’Etat tchadien reconnait que l’âge minimum de mariage est de 18 ans et prévoit de punitions pour toute personne qui contraint un mineur au mariage, la réalité est autre et les filles comme Zara Monodji qui rêvent d’un avenir meilleur, voient leurs rêves se briser.