Si certaines femmes arrivent à en parler, le cancer du sein demeure un sujet tabou et peu connu dans notre société. En franchissant cette barrière, Claire a décidé d’étaler le désarroi survenu dans sa lutte onéreuse contre ce mal qui la ronge.

Pendant que le pays cherche à se doter d’un registre de cancer, certaines victimes, surtout celles du cancer du sein, qui ont l’information et un peu de moyens, se démènent pour espérer recouvrer la santé.

Étant un mal pernicieux et dont la prise en charge est dispendieuse, les espoirs ont tendance à s’effriter pour ceux qui souffrent de cette maladie. Deux ans que M. Claire, 58 ans, vit avec le cancer du sein.

Début de la maladie un coût économique énorme

Après des douleurs intenses à son sein droit, elle décide de se faire faire des examens. De l’hôpital de district de Gounou-Gaya, elle sera, tour à tour, référée à l’hôpital provincial de Bongor (Mayo-Kebbi Est), à celui de la mère et de l’enfant, à N’Djamena, pour être finalement transférée à Yaoundé.

M.Claire, lors de son séjour à Yaoundé pour sa prise en charge

Au Tchad, plus d’un million a été dépensé dans les différents examens qui ont été faits et refaits. La mammographie, l’échographie, la radiographie, c’est en dernier lieu des prélèvements au niveau du sein qui ont été faits et ces derniers ont mis en lumière la présence de cellules cancérigènes dans son sein.

Pour être sûr de cette découverte, elle a été envoyée à Yaoundé, au Cameroun. De là-bas, après des examens, ou plus de 800.000 F.cfa ont été déboursés, des prélèvements ont été encore faits et envoyés cette fois-ci en France pour confirmation.

Dans l’attente du résultat, Claire a été soumise à la chimiothérapie. L’attente fut longue. Un mois plus tard, elle apprend qu’elle a le cancer du sein. Elle accueille la nouvelle avec retenue. ’’Je me suis dit que c’est une maladie comme toute autre’’, confie-t-elle. Aussitôt, il lui est proposé une opération dont le coût s’élève à 1.020.000 FCFA. Après toutes ces démarches et limitée par les moyens, Claire renonce, malgré elle, à cette proposition.

Elle décide de rentrer au pays. “Je n’avais pas cette somme donc je suis rentrée à Gounou-Gaya’’, dit-elle, d’une voix triste. Désormais, la vie de la cinquantaine n’est plus la même. A commencer par un régime alimentaire particulier. Il lui est déconseillée de consommer du thé, les sauces trop huilées, les aliments trop sucrés, etc. ‘’Je respecte cela. Mais, c’est difficile. Cela a une répercussion sur le coût de la ration’’, avoue-t-elle sa peine.

Des douleurs quotidiennes

Claire vit avec des douleurs quotidiennes. “Le bout de mon mamelon est enflé à l’intérieur. Quand les douleurs commencent, ma main droite ne se soulève pas. Même mes veines du cou me font très mal’’, témoigne-t-elle.

Depuis le diagnostic de cette maladie, elle a perdu plus de 20 kilogrammes et ne pèse plus que 60 kilogrammes. Il est difficile pour elle d’exécuter normalement les tâches ménagères. “Même pour préparer la boule, c’est compliqué. Les enfants sont là mais ils ne peuvent pas faire normalement ce que tu leur demandes. Une fois, j’étais tombée et on m’a emmenée à l’hôpital. J’ai perdu connaissance pendant une journée et j’ai fait 5 jours à l’hôpital’’, raconte-elle une de ses crises.

Malgré son état de santé instable, Claire parcourt 8 kilomètres par jour, pour aller et revenir de son champ. Elle le fait 4 à 5 fois par semaine. Le 21 octobre, à 11 heures, elle répond à nos questions par téléphone, depuis son champ de haricot et de légumes. “J’essaye de faire normalement mes travaux. Quand je suis fatiguée, je me repose’’, ajoute-t-elle, reconnaissant le risque qu’elle coure en faisant des travaux aussi intenses. Son mari, G.Ringbé, désavoue les efforts intenses que consent son épouse. Il dit se heurter à sa ‘’têtutesse’’. ’’Lorsqu’elle fait un petit travail, elle ne dort pas. A cause des douleurs. Et elle a souvent des céphalées’’, affirme-t-il, exprimant son ‘’chagrin’’ quotidien dans cette dure épreuve.

A Gounou-Gaya, ville du département de la Kabbia, province du Mayo-Kebbi Est, où elle vit, Claire dit ne plus prendre régulièrement ses médicaments. La raison ? “Des fois, par manque de moyen’’, répond-elle. “Il n’y a pas de suivi. Quand je ressens beaucoup de douleurs, je prend certains calmants. Parfois, je prends des médicaments traditionnels. La douleur avait cessé un moment. Maintenant, on n’a plus de moyens pour que je me rende à Yaoundé et suivre mes soins’’, résume-t-elle. Son mari, retraité, déclare que la pension ne passe pas régulièrement.’’ Nous n’avons pas assez de moyen. Nous supportons difficilement cette situation’’, se lamente-t-il.

En dépit de sa situation, Claire dit garder espoir. “Si Dieu répond, je serais guérie. Je le mets au-devant. Les produits de l’homme viennent après’’, croit-elle.

Connaître le cancer du sein

De manière générale, le cancer, définit Dr Manikasse Palouma, gynécologue et président de la Ligue tchadienne de lutte contre le cancer, est une tumeur maligne qui se développe au dépens des tissus. Que ça soit des tissus granulaires ou canalaires. Ces cellules se multiplient sans contrôle et elles agressent les cellules environnantes. Et se disséminent partout dans l’organisme, détaille-t-il. Le cancer peut se situer à tous les endroits du corps. Le cancer du sein se contracte lorsqu’il y a des facteurs de risque.

Les facteurs de risque

Un premier facteur de risque est, cite le gynécologue, l’hérédité. Dans la famille, s’il y a eu des antécédents de cancer du sein, il peut se perpétuer dans la génération future. Un deuxième facteur de risque est la consommation de la cigarette. En consommant la cigarette, qui contient de milliers de substances cancérigènes, celles-ci se déversent dans la circulation sanguine et dans les tissus. Il y a également la consommation abusive de l’alcool. ‘’On dit que consommer trois verres d’alcool par jour augmente le risque de contracter le cancer à 30%’’,avertit Manikasse Palouma.

Il y a aussi l’obésité et la sédentarité. ‘’Il faut marcher trente minutes par jour’’, conseille-t-il. De même, la consommation des hormones après la ménopause constitue un facteur de risque et une femme qui a plus de 55 ans et qui voit ses règles est exposée au cancer du sein. Et aussi celles qui ont une puberté précoce. L’inhalation des perturbateurs endocriniens crée aussi des conditions d’apparition du cancer du sein.

Comment se manifeste le cancer du sein

Au début, signifie le gynécologue, il n’y a pas de manifestations. La femme ne sent pratiquement rien, relativise-t-il. C’est quand le cancer augmente de volume, que la femme va commencer à sentir la présence d’une boule ou d’une masse qui a deux centimètres ; c’est un tissu différent des tissus du sein.

Cependant, la présence d’une boule dans le sein n’est pas forcément le signe d’un cancer du sein. Il y a également l’écoulement sanguinolent au niveau du mamelon. Parfois, le sang qui coule se mélange aux pus. Il y a une plaie au sein du mamelon et qui, malgré les traitements, persiste. Ces signes s’accompagnent d’un ganglion au niveau de l’aisselle, là où il y a la masse.Parfois, il y a un mamelon ombiliqué alors que l’autre est dehors. C’est un signe pour montrer qu’il y a un danger, explique le gynécologue.

Combien de temps pour se manifester ?

Lorsque vous avez un cancer, continue de détailler Manikasse Palouma, ça peut durer 10 à 15 ans avant que les signes n’apparaissent. ‘’C’est pour ça qu’on demande aux femmes de ne pas attendre les signes. A partir de 40 ans, il est indiqué de manière systématique à toutes les femmes d’aller faire la mammographie, de faire le suivi régulier de dépistage du cancer du sein. Lorsqu’il y a un antécédent dans la famille, à partir de 20 ou 25 ans, il faut se faire suivre par un gynécologue’’, recommande-t-il.

Jusqu’à quel point le cancer du sein peut-il être handicapant ?

Le cancer du sein, assure notre interlocuteur, si on le détecte trop tôt, on peut le soigner ‘’définitivement’’. ‘’Mais, si vous le soignez tardivement, il y a eu déjà des complications, des disséminations partout dans le corps. A ce niveau, le traitement devient lourd, onoreux avec des résultats décevants. Il va donc de soit que la durée de vie serait moins de cinq ans’’, previent-il.

Comment prévenir le cancer du sein

A la suite de nombreuses actions de sensibilisation, notamment lors d’”octobre rose”, un mois dédié à la lutte contre le cancer, de plus en plus de femmes prennent conscience de l’existence de cette maladie. D’autres se proposent pour des dépistages. Ce qui est encourageant, mais Dr Manikasse Palouma, appelle à plus de vigilance.

Il faut éviter les facteurs de risque cités ci-haut, renvoie le président de la Ligue tchadienne de lutte contre le cancer. Toutefois, pour la prédisposition héréditaire, comme on ne peut l’éviter, souligne le gynécologue, il faut simplement se faire suivre à l’hôpital. Un dépistage précoce suppose une guérison probable, insiste-t-il. ‘’Il faut souvent une auto palpation du sein. S’il y a une boule, il faut se rendre automatiquement à l’hôpital’’, lance-t-il, appelant les autorités à construire un centre pour suivre les malades et diminuer l’incidence du cancer au Tchad.