Une manifestation organisée le 20 octobre 2022 à N’Djamena, Moundou, Doba, Koumra et Sarh contre la prolongation de la transition de deux ans par le dialogue national a été violemment réprimée. Tous les journaux reviennent sur ce qui est qualifié de « jeudi noir ».

A l’appel des partis comme Les Transformateurs, le parti socialiste sans frontière (PSF) ou encore d’organisation de la société civile comme Wakit Tamma, des centaines, voire des milliers de Tchadiens sont sortis dans la rue le 20 octobre pour protester contre les 24 mois supplémentaires accordés au président de transition, Mahamat Idriss Déby, à la tête du Tchad. Une manifestation qui, selon les organisateurs, a fait au moins une centaine de morts, des blessés et des personnes arrêtées. Le gouvernement, par la voix de son chef, Saleh Kebzabo, évoque le chiffre de 50 morts.

« Kebzabo compte ses morts », titre justement N’Djamena Hebdo. Le journal qui indique que le Premier ministre de transition a « mis l’huile sur le feu » car il a accusé les initiateurs de la marche de fomenter une « insurrection », un « coup d’Etat ». Une communication qualifiée « d’inappropriée » et de « maladroite » dans la situation que traverse le pays, martèle le journal fondé par l’actuel chef du gouvernement et qui assure rester indépendant.  

Abba Garde quant à lui parle de la « Refondation dans le sang ». En effet, l’hebdomadaire qui ne comprend pas la férocité de la répression fait noter que les manifestations du 20 octobre n’ont rien d’extraordinaire que l’expression du droit des citoyens « grugés par un club d’usurpateurs et d’imposteurs hostiles à la justice, à l’égalité, à l’alternance pacifique et à l’instauration d’un Etat dans toutes ses dimensions ». Abba Garde rappelle en effet l’engagement de Mahamat Idriss Déby et des 14 autres généraux, à leur prise de pouvoir en avril 2021, de rendre le tablier après 18 mois qui n’a pas été tenu. « Il était évident que dans ces conditions, très peu de citoyens désabusés, escroqués, violés moralement, désespérés et astreints à une misère indescriptible depuis 32 ans, n’accepteraient de continuer à supporter une farce qui n’a que trop duré ».

L’Observateur fait encore plus fort avec ce titre : « Un terrorisme d’Etat ». En effet, estime ce canard, la répression des manifestations du 20 octobre est « inédite dans l’histoire tumultueuse du Tchad ». Et d’insister qu’« aucun régime n’a exercé une telle force extrême pour réprimer une manifestation pacifique du peuple…C’est le chaos ! Quelle cruauté ! Quelle animalité ! Quelle barbarie ! Autant d’exclamations pour qualifier ce comportement inhumain d’un Etat qui, sans coup férir, a osé tirer à bout portant sur sa population désarmée, ce 20 octobre ».

Le gouvernement de son côté temporise. Le Progrès informe ainsi qu’une délégation gouvernementale conduite par le ministre d’Etat, ministre de la Production et de la Transformation agricole, Laoukein Kourayo Médard, accompagné de son collègue du Pétrole et des Hydrocarbures, Djerassem Le Bemadjiel séjourne au sud du pays pour livrer un message de paix. Lors de son escale à Moundou, cette délégation a été recadrée par l’évêque dudit diocèse. « L’évêque de Moundou, Joachim Kouraleyo Tarounga estime que la délégation doit d’abord commencer la sensibilisation avec les militaires avant d’aller vers la population qui, dit-il, est une victime lors de ces événements », écrit ce quotidien.