Plusieurs faits marquants en politique se sont produits en 2023 au Tchad.

Le Tchad est entré dans la 5ème République. Le chef de l’Etat a promulgué, ce 29 décembre, la nouvelle Constitution. En effet, le 17 décembre dernier, un référendum constitutionnel a été organisé pour permettre de déterminer la forme de l’Etat mais aussi adopter une nouvelle Constitution. Les résultats provisoires proclamés le 24 décembre par la CONOREC (Commission nationale chargée de l’organisation du référendum constitutionnel) ont donné 86% pour le Oui (ce qui emporte l’adoption de la Constitution avec la forme unitaire fortement décentralisé de l’Etat) et 14% pour le camp du Non qui milite pour un Etat fédéral. Le taux de participation a atteint 63,75%. Ce 28 décembre, la Cour suprême a confirmé la victoire du Oui par 85,90% malgré les recours en annulation déposés notamment par le Bloc fédéral, le Front du Non, la Fédération de l’opposition crédible (FOC) et le RNDT-Le Réveil de l’ancien Premier ministre Pahimi Padacké Albert.

Le référendum a été organisé par la CONOREC, créée par ordonnance du chef de l’Etat le 13 janvier 2023 et ratifiée par le Conseil national de transition le 1er mars. Cet organe a été vivement critiqué car il est présidé par un membre du gouvernement, le ministre de l’Administration du territoire Limane Mahamat et ses démembrements au niveau territorial sont dirigés par les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets. Ceux qui ont boycotté le scrutin avaient comme arguments que la CONOREC est un organe partial au lieu d’être indépendant mais aussi le fait que le gouvernement n’ait présenté qu’un seul projet de Constitution au lieu de deux comme recommandé par le dialogue national.

En effet, ce référendum qui constitue un pas important vers un retour à l’ordre constitutionnel a été décidé par le dialogue national inclusif et souverain organisé entre août et octobre 2022 à N’Djamena. Dialogue qu’avait boudé le leader des Transformateurs, Succès Masra. Une manifestation qu’il a organisée le 20 octobre 2022 a été violemment réprimée entrainant de nombreux morts et l’a forcé à l’exil. Un mandat d’arrêt a même été émis à son encontre.

Mais à l’issue d’un accord de principe avec le gouvernement signé le 31 octobre 2023 à Kinshasa, le mandat d’arrêt est suspendu et l’opposant est rentré le 3 novembre à N’Djamena. Un accord qui a fait couler tant d’encre et de salive. Il a permis au président des Transformateurs de rentrer et de reprendre ses activités politiques. Mais, en contrepartie, il reconnait de facto le dialogue national qu’il a toujours boudé et tous les actes qui en sont issus. Pire, les auteurs des massacres du 20 octobre 2022 ne répondront pas de leurs actes. Car, le 23 novembre 2023, une loi d’amnistie générale a été adoptée par le Conseil national de transition.

En marge de la campagne électorale pour le référendum qui a eu lieu du 25 novembre au 15 décembre, Succès Masra a conduit une mission de « transformation dans la justice et l’égalité » dans plusieurs villes du sud du pays, drainant les foules lors de ses passages.

Une autre recommandation du DNIS qui a été mise en œuvre en 2023 est la création en mars du Cadre national de concertation des partis politiques. Ce cadre qui compte plus de 200 partis continue d’en accueillir. Son premier coordonnateur, Brice Mbaïmon Guedmbaye du Mouvement des patriotes tchadiens pour la République (MPTR), a été remplacé en juillet par Nasra Djimasngar du parti « Un Nouveau jour ».

En dehors de l’organisation du référendum, un autre sujet qui a cristallisé la tension au sein de la classe politique est la prise de quatre ordonnances par le président de transition le 1er août. Des ordonnances qui ont trait aux réunions publiques, aux manifestations sur la voie publique, aux attroupements et à l’Etat d’urgence. Des textes qui imposent que pour organiser une manifestation sur la voie publique, une réunion publique, un attroupement, les organisateurs doivent fournir des informations complètes sur eux, leurs organisations et la nature de leur activité. Ces ordonnances prévoient des amendes et des peines de prison pour ceux qui ne les respecteraient pas. Ces textes sont qualifiés par certains partis politiques et organisations de la société civile de « liberticides ». Le Groupe de concertation des acteurs politiques, un regroupement d’une quinzaine de partis, a même décidé d’attaquer ces ordonnances devant la Cour suprême.

Comme 2023, 2024 s’annonce aussi palpitant sur le plan politique. C’est l’année qui devra marquer le retour à l’ordre constitutionnel après trois ans et demi de transition liée à la mort au front en avril 2021 du feu président Idriss Déby Itno et la prise du pouvoir par un groupe de généraux dirigé par son fils, Mahamat Idriss Déby. Ainsi, des élections, du moins la présidentielle, sont attendues en 2024. Car, la transition est censée prendre fin en octobre 2024.