Dimanche, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont simultanément annoncé leur retrait de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), déclarant que l’organisation régionale était sous le contrôle de “puissances étrangères” et ne parvenait pas à résoudre efficacement les problèmes auxquels ils sont confrontés, notamment celui du terrorisme.

Les prémices de cette démarche ont émergé le 16 septembre dernier, lorsque les trois pays ont signé la Charte du Liptako-Gourma, créant ainsi l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Cette alliance, survenue cinq mois après le retrait du Mali du G5 Sahel soutenu par la France, vise à assurer la défense collective contre les menaces terroristes.

Certains observateurs n’ont pas été surpris par le retrait de ces trois pays. Leurs dirigeants militaires estiment que la CEDEAO, en ne parvenant pas à répondre à leurs besoins et en maintenant des sanctions sévères, a violé ses principes fondateurs basés sur le développement économique des Etats membres et son rôle clé dans la résolution des conflits régionaux. Les gouvernements de transition ont fait savoir que leur décision répondait “aux attentes, aux préoccupations et aux aspirations de leurs populations”.

La CEDEAO a précisé, dans un communiqué publié quelques heures plus tard, qu’elle n’avait pas officiellement reçu la décision de retrait des trois Etats membres et qu’il fallait un délai d’un an pour que le retrait d’un membre soit effectif. Selon le communiqué, le Burkina Faso, le Niger et le Mali demeurent des membres importants, et la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement reste déterminée à trouver une solution négociée à cette impasse politique.

En dépit de cet optimisme affiché par la CEDEAO, les conséquences de la décision prise par Bamako, Niamey et Ouagadougou sont à surveiller, marquant un tournant dans l’organisation régionale.

Leur départ aura un impact sur la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO. La circulation des personnes au sein de la communauté ne sera plus effective pour les populations de ces trois pays, ainsi que pour le reste de la communauté qui souhaite se rendre au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Actuellement, un grand nombre d’expatriés des trois pays concernés se sont installés dans d’autres pays de la CEDEAO, et vice versa.

Le commerce inter-étatique, promu dans le cadre de la CEDEAO, va également subir un gros coup avec le rétablissement de frais de douane et de taxes. La facture risque d’être élevée pour les trois Etats sans débouché maritime. Ainsi, le Mali s’appuie sur les ports de Dakar au Sénégal et d’Abidjan en Côte d’Ivoire, le Niger sur celui de Cotonou, et le Burkina Faso sur les ports d’Accra au Ghana et de Lomé au Togo.

En attendant, ces trois pays font partie de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), et des rumeurs circulent sur les réseaux sociaux concernant leur possible retrait du franc CFA pour émettre leur propre monnaie. Leur départ de la CEDEAO ajoute aussi de l’incertitude au projet de monnaie unique l’Eco, prévu pour 2027.

Depuis les coups d’Etat dans ces trois pays, les liens militaires avec la France, qui avait une forte présence dans la région du Sahel, ont été rompus. Les régimes militaires cherchent désormais à diversifier leurs partenariats en matière de sécurité et à renforcer leurs relations avec d’autres acteurs.

Leur retrait de la CEDEAO risque de compromettre la coopération régionale en matière de lutte contre le terrorisme et des échanges économiques, ce qui pourrait entraîner un risque d'”asphyxie” économique et sociale dans ces Etats déjà fragiles, favorisant ainsi la montée du terrorisme.

Fondée en 1975 dans le but de promouvoir l’intégration économique des Etats membres, la CEDEAO était considérée comme l’autorité politique et régionale en Afrique de l’Ouest, mais elle a été confrontée ces dernières années à une situation instable en raison des coups d’Etat récurrents dans la région. Fin