Entre son Abéché natal et des pays de l’Afrique de l’Ouest, elle s’est forgée un mental d’acier. Femme de sciences puis militante à travers les associations, Roumane Moukhtar inspire par son parcours et son combat pour la lutte contre la malnutrition mais surtout pour l’éducation des filles et l’autonomisation des femmes dans un ‘’Ouaddaï’’ patriarcal et conservateur.

Intacte, voix posée, attentive, et toujours “dress code ” oriental. Tels sont les atouts qui lui permettent de voyager et de s’adapter partout où elle passe. De Niamey à Dakar en passant par l’Institut National des Sciences et Techniques d’Abéché (INSTA), l’enfant d’Abéché a pris de la hauteur.

Toujours affecté par la disparition de son père qui décède lorsqu’elle fait son entrée en première année à l’INSTA, Roumane est soutenue par une mère qui malgré son illettrisme voit en l’école le salut pour ses enfants. « Je n’ai autre référence que ma mère », témoigne-elle.

Elle gravit les échelons et obtient plusieurs diplômes. Sa passion pour le savoir est unique. Après un bac D en 2009 et une licence en Sciences biomédicales et pharmaceutiques en 2012, elle s’envole pour le Niger. La native d’Agad Birich, un quartier de 2ème arrondissement d’Abéché s’inscrit en master à l’Université Abdou Moumouni. Comme tout cela ne suffisait pas, elle s’inscrit au même moment à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. « Je faisais un mois au Niger et un autre mois au Sénégal », confie la jeune dame.

Elle s’en sort haut la main avec deux masters obtenus dans deux prestigieuses universités africaines dont l’un en Sciences Alimentaires et Nutritionnelles et l’autre en Sciences Humaines et Sociales option développement et santé de la reproduction.

Après quelques années d’exercice au ministère de la santé en qualité de nutritionniste et à l’enseignement supérieur comme chargé de cours, Roumane est aujourd’hui plus préoccupée par ses projets de recherche.

Bientôt, elle soutiendra sa thèse en nutrition humaine à l’école doctorale de l’université de N’Djamena dont elle est inscrite depuis 2019. Elle est même l’heureuse gagnante du concours international ma thèse en 180 secondes organisé pour la première fois au Tchad.

En dépit de ses occupations professionnelles, la jeune dame consacre toujours un temps pour accompagner et aider ses sœurs de la province et d’ailleurs. Combattre les pesanteurs socio-culturels à l’égard de la gente féminine est son affaire.  En 2020, elle crée l’Association Féminine pour le Développement basée à Abéché.

À travers cette plateforme, elle sensibilise les femmes sur les facteurs influençant la malnutrition, le leadership féminin, l’entrepreneuriat mais surtout l’accompagnement des filles pour la poursuite des études supérieures. « Malgré les sensibilisations, le phénomène de mariage précoce pose un sérieux problème à l’éducation des filles dans notre province. Notre travail consiste à faire savoir aux filles tout comme aux parents que seule l’école qui permet aux filles de réussir », poursuit-elle.

Au moment de partir, elle nous fait une confidence : « C’est grâce au soutien et à la complicité de ma mère que j’ai réussi à échapper au phénomène de mariage précoce ». Aujourd’hui, elle est mariée et mère des jumeaux : Moussa et Haroun qui grandiront sous le contrôle d’une Roumane emphatique et qui ne badine pas avec l’école. Quelle chance !