A trente-six ans, Ibrahim Ibni Oumar a été nommé nouveau gouverneur de la province du Ouaddaï par le PCMT. Il a pris fonction ce jour, vendredi 25 février 2022. Qui est ce jeune qui arrive à la tête de cette province à un moment aussi critique de son histoire ?

Ibrahim ou “Abba Brahim” pour ses proches, est un des fils de feu Ibn Oumar Mahamat Saleh, homme politique de premier plan disparu dans des conditions non élucidées lors des troubles de 2008. La province dont il prend les rênes est le fief paternel et familial, c’est dire qu’il signe son retour à la maison. Mais il faut dire qu’il prend fonction dans un contexte tendu. Son prédécesseur a été limogé à la demande insistante de la population du Dar Ouaddaï qui lui reprochait d’être le commanditaire de la répression des manifestations qui ont fait une dizaine de morts à Abéché en janvier 2022.

LIRE AUSSI : Ibrahim Ibni Oumar Mahamat Saleh est nommé gouverneur de la province du Ouaddaï

L’un des cinq gouverneurs civils en poste, Ibrahim est Énarque passé par l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) et diplômé de 3ème cycle en Économie de l’Université d’Orléans en France. C’est un cadre tchadien qui justifie pas mal d’expérience professionnelle et humaine malgré son jeune âge. Jusqu’à sa nomination à la tête de la province il officiait en tant que Conseiller spécial et proche collaborateur du Président de la transition, le Général Mahamat Idriss Deby Itno, par ailleurs son ami d’enfance.

Passage de témoin

Son parcours universitaire a été parsemé d’intermèdes qui l’ont conduit à rejoindre les rangs de l’opposition armée et voyagé partout dans la bande sahélienne et ailleurs. Ce passage à blanc dans un moment de sa vie a contribué énormément à forger son tempérament de rassembleur, homme de gens « Nadoum Nass », épris de paix, sans cesse en quête de pont et de connexion entre les hommes. Que cela soit de son Tchad natal en passant par le Niger, la Mauritanie, l’Algérie, la Libye, le Soudan ou la France où il a vécu, « Brahim a cultivé l’amour des gens » nous confie un de ses intimes.

LIRE AUSSI : Sahel : le centre HD lance le projet Médiation agropastorale pour la paix et la stabilité au Tchad

« Ibrahim survole les clivages et se tue à combler les brèches. Chez lui dans sa cour, c’est le carrefour des cultures, on y trouve des gens de toutes les régions du Tchad et même des étrangers. La porte est tout le temps ouverte et sa table nourrit tout le monde » poursuit-il.

Sur le plan professionnel, il a mené d’innombrables missions de paix aussi bien dans les fuseaux Est, Ouest et la zone des trois frontières (Sahel) afin de pacifier la zone dont sont issues ses parents de part et d’autre. Il est passé par plusieurs institutions internationales œuvrant dans la médiation et la pacification à savoir (Cellule CEDEAO\UEMOA), Centre pour le Dialogue humanitaire «HD» organisme de médiation Suisse, ainsi que l’ONG française Promediation pour lequel il a été coordinateur Sahel/Maghreb.

LIRE AUSSI : Tchad : adapter les textes à la gestion actuelle des ressources naturelles

En janvier 2020, nous l’avions accompagné dans une de ses missions qui consistait à la mise en place d’un projet de médiation agropastorale dans la zone du Lac, il était alors représentant du Centre pour le Dialogue humanitaire au Tchad. Nous avons relevé dans son discours de la hauteur et une sincère volonté de se rendre utile pour son pays en œuvrant pour la paix et la cohésion. Il défendait cette approche de résolution et prévention de conflits accès sur le savoir ancestral et culturel en ces termes « le Centre pour le Dialogue Humanitaire ayant fait le constat que tous les conflits quelle que soit leur nature ou leur ampleur prennent racine dans des contradictions au sein des communautés, a jugé utile d’utiliser les mécanismes endogènes ou traditionnels pour faciliter la résolution de ces conflits préjudiciables à la cohésion sociale et à la paix en générale. »

Partant de là on peut dire qu’il sait de quoi il parle, et ces expériences glanées çà et là lui seront d’une grande utilité pour la charge qui l’incombe. Car ne perdons pas de vue que c’est une très grande responsabilité qui est posée sur ses frêles épaules. Ce fils d’un Ouaddaïen et d’une Arabe aura à réconcilier ses parents et pacifier cette région historiquement accueillante, terre de culture, d’érudition et de commerce ouvert sur le monde il y de cela plusieurs siècles.