Depuis le dimanche 5 novembre, des files d’attente sont observées devant les stations-service de N’Djamena, la capitale. Ce phénomène intervient malgré les assurances de la raffinerie de Djermaya, qui fonctionne normalement et a même augmenté sa production depuis avril dernier. Nous avons mené notre petite enquête pour éclaircir la situation.

Dans le cadre de notre rubrique fact-checking, nous avons contacté la raffinerie de Djermaya et l’Autorité de Régulation du Secteur de l’Assainissement et des Transports (ARSAT), ainsi que recueilli des témoignages de citoyens et effectué des observations sur le terrain.

La raffinerie de Djermaya tourne à plein régime

La raffinerie déclare une production stable et une capacité augmentée depuis avril. Selon elle, 1 million de litres de carburant sont mis sur le marché chaque jour, ce qui devrait largement couvrir les besoins du pays. Les responsables indiquent qu’après la dernière opération de maintenance, qui avait provoqué une crise, la capacité de production a été augmentée de 20%.

Pour vérifier ces affirmations, nous nous sommes rapprochés de l’ARSAT (Autorité de Régulation du Secteur Pétrolier Aval du Tchad). D’après cet organisme, les déclarations de la raffinerie sont exactes. En tant que régulateur, l’ARSAT s’assure que la programmation est respectée et que les livraisons atteignent leurs destinations. « De ce côté, il n’y a pas de problème », nous informe une source, qui ajoute que « cette pénurie est artificielle et le fruit de la spéculation ».

Alors, où va le carburant tchadien ?

Malgré les affirmations des autorités, des pénuries sont encore observées cet après-midi, bien que les files soient moins longues que celles d’avril dernier. La spéculation et la contrebande vers les pays voisins contribuent à ce problème. Le carburant est détourné vers d’autres marchés plus rémunérateurs, créant ainsi une pénurie artificielle.

Face à ces faits, des questions se posent : où va l’essence produite au Tchad ? Pourquoi cette surenchère ? Il est important de noter que le prix du carburant à la pompe au Tchad est très compétitif (518 F), ce qui entraîne de nombreuses fraudes, malgré l’interdiction d’exportation décrétée par les autorités de transition. Depuis avril 2023 et l’augmentation du prix du gasoil (700 F), ce dernier n’est plus attractif ; les spéculateurs ont jeté leur dévolu sur le Super qui a le plus bas prix de la région. À titre d’exemple, au Cameroun le prix du Super à la pompe est de 735 F, comparé à 518 F au Tchad, la différence est nette et alléchante. Le Niger, le Nigeria, le Cameroun, le Soudan et la Centrafrique sont alimentés par les spéculateurs, en particulier dans les villes frontalières. Ces derniers, poussés par l’appât du gain, vendent au plus offrant, provoquant localement panique et surenchères. L’État devrait prendre ses responsabilités et sanctionner les coupables pour le bien-être de sa population. Avec les problèmes d’électricité privant la grande majorité de l’accès aux carburants pour alimenter les générateurs, ne pas agir serait suicidaire et ouvrirait la voie à des troubles sociaux.