A travers cette tribune, Malick Niasse, médiateur professionnel, apporte des éclaircissements sur la suppression du ministère de la réconciliation nationale et de la Cohésion sociale et la mise en place du Médiateur de la République.   

Faut-il réécrire le texte sur la Médiature de la République en intégrant la réalité politique du pays, les aspects de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale, ou le laisser tel quel ? Le Médiateur de la République serait-il le garant de la réconciliation nationale ou devrait-il se limiter à sa mission de résolution des litiges entre l’administration et les citoyens ?

Pour aborder la question des conflits, il est important de reconnaître que le Tchad, tout comme d’autres pays africains, est confronté à des situations conflictuelles tant sur le plan structurel que fonctionnel. Les aspects de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale sont une responsabilité qui incombe à toutes et à tous (communautés, société civile, État). Les restreindre à une institution me semble limitatif et restrictif. De plus, il est essentiel de noter que les questions relatives à la réconciliation nationale et à la cohésion sociale ne doivent pas être politisées. J’insiste sur ce point pour la simple raison que toutes les résolutions et accords signés antérieurement au nom de la réconciliation nationale étaient des accords politico-militaires, donc trop fragiles. Qu’en est-il des conflits sociaux et communautaires qui fragilisent le vivre-ensemble et la cohésion sociale ?

À mon avis, la Médiature doit rester telle quelle en tant qu’institution étatique avec ses attributs et missions, sans nécessité de réécrire le texte pour y intégrer la réalité politique du pays.

La gestion des conflits sociaux et intercommunautaires au Tchad doit être institutionnalisée pour assurer une coordination efficace des mécanismes de prévention et de gestion.

De fait, notons que, la Médiature de la République a pour rôle de recevoir les réclamations relatives au fonctionnement des administrations de l’État, des collectivités territoriales décentralisées, des établissements publics et de tout organisme investi d’une mission de service public. Par conséquent, la Médiature est chargée de :

  • Fournir une assistance aux citoyens pour faire valoir leurs droits et répondre à leurs obligations ;
  • Recevoir et examiner les réclamations émanant de personnes physiques et morales concernant le fonctionnement des administrations de l’État, des collectivités territoriales décentralisées, des établissements publics et de tout organisme investi d’une mission de service public ;
  • Proposer des solutions pour le règlement rapide et amiable des litiges entre l’administration publique et les administrés ;
  • Suggérer au Premier Ministre des modifications législatives, règlementaires et administratives dans l’intérêt général ;
  • Participer à des initiatives visant à améliorer les services publics ainsi qu’à des activités de médiation entre l’administration publique et les acteurs sociaux et professionnels.

En vertu de l’Article 11 de la même loi, la Médiature de la République ne possède pas de compétence dans les domaines de conflits, litiges ou différends opposant des personnes physiques entre elles ou une personne physique à une personne morale de droit privé. Il apparait ainsi sur cet article que ladite institution n’a pas de mandat d’intervenir dans la gestion de conflits entre des individus.

En tenant compte de ce qui précède, il est important de noter que la fonction de la médiature se limite à la réception des réclamations, comme stipulé : “Toute personne physique ou morale qui estime, à l’occasion d’une affaire la concernant, qu’un organisme visé à l’article 2 n’a pas fonctionné conformément à sa mission de service public peut, par une réclamation individuelle, soumettre l’affaire à la Médiature de la République.” Loi 09-031 du 11 décembre 2009 portant création de la Médiature de la République.Chapitre 2 dans la procédure de saisine de la Médiature en son Article 12.

Dans mon livre en cours de rédaction, intitulé “Médiation communautaire : Pour une gestion alternative et inclusive des conflits intercommunautaires au Tchad,” je propose une approche plus globale où la gestion des conflits sociaux et intercommunautaires doit faire l’objet d’une institutionnalisation pour une bonne coordination des mécanismes de prévention et de résolution. Par “institutionnalisation”, les aspects de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale je fais référence à la structuration et à la formalisation des ‘institutions tant au niveau étatique, local que communautaire, qui mettent en œuvre des actions visant à promouvoir la paix et l’unité nationale. Plus loin dans le livre, en tant que spécialiste, je propose la création d’un ministère dédié, intitulé : Ministère de la Médiation, de la Conciliation et du Dialogue social, pour assurer une gestion efficace des conflits et favoriser la cohésion sociale avec des directions et divisions telles que :

Direction générale du dialogue social

  • Division dialogue social

Comité national de Médiation communautaire

  • Comité régional (Médiateur-trice social-e régional)
  • Comité départemental (Médiateur-trice départemental)
  • Comité Communal (Médiateur-trice communal-e)

Direction générale de la Médiation

  • Division de la Médiation communautaire
  • Division des Maisons de la Médiation

Direction générale de la Prévention et du Marketing social

  • Division de la formation
  • Division de l’animation socio-culturelle
  • Division de la communication sociale

En résumé, la paix sociale et la gestion des conflits doivent être envisagée de manière holistique, couvrant la prévention, le processus de règlement, l’implication des acteurs concernés, les institutions mandatées, le processus de sélection des médiateurs avec un mandat social et institutionnel, ainsi que les principes fondamentaux qui gouvernent la médiation.

Malick NIASSE

Médiateur professionnel Diplômé d’État

Spécialiste de la gestion des conflits communautaires