L’Union des journalistes tchadiens (UJT) a commémoré ce 2 novembre la Journée pour la fin de l’impunité des crimes contre les journalistes. Cet événement a été l’occasion pour l’UJT de dénoncer l’impunité qui entoure les attaques et les violences perpétrées à l’encontre des journalistes tchadiens.

D’entrée de jeu, le président de l’UJT, Abbas Mahmoud Tahir a rappelé que les journalistes sont souvent victimes d’intimidation, de harcèlement, voire d’agressions physiques, dans l’exercice de leurs fonctions.

Le contexte qui a permis l’instauration de cette journée dédiée à la lutte contre l’impunité des crimes à l’encontre des journalistes est celui de l’assassinat le 2 novembre 2013 à Kidal au Mali de deux journalistes français de la RFI, Claude Verlon et Ghislaine Dupont.  « Dix ans après, nous en sommes aujourd’hui à invoquer le sacrifice ultime qu’ils ont consenti en tant que combattants de la liberté. Mais, il ne s’agit plus de pleurer ces deux héros du monde de la presse que nous nous réunissons tous les ans, il s’agit plutôt de participer aux efforts globaux visant à mettre fin à la criminalité grandissante qui cherche à faire taire à jamais les témoins de la liberté », a fait savoir Abbas Mahmoud Tahir.

En reconnaissance des profondes conséquences de l’impunité, notamment en ce qui concerne les crimes commis contre les journalistes, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté, lors de sa 68ème session en 2013, la Résolution A/RES/68/163, qui proclame le 2 novembre « Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes ». Cette résolution a exhorté les Etats membres à mettre en place des mesures précises afin de lutter contre l’actuelle culture d’impunité.

Selon le président de l’UJT, Abbas Mahmoud tahir, l’Observatoire des journalistes tués de l’UNESCO a dénombré, entre 2006 et 2023, plus de 1 600 journalistes tués dans le monde. Et près de neuf cas sur dix de ces assassinats restent non résolus judiciairement, alerte l’Observatoire de l’UNESCO qui s’inquiète que l’impunité cause des dommages aux sociétés entières en dissimulant de graves violations des droits de l’homme, de la corruption et de la criminalité.

Il faut, pour ce faire, agir sur les causes de l’aggravation des crimes commis contre les journalistes en amont afin de préserver la jouissance des libertés fondamentales dans notre pays et à travers le monde. Il s’agit d’une lutte inclusive qui doit engager le gouvernement, la société civile, les médias et tous ceux qui se soucient du respect de l’Etat de droit qui sont invités à unir leurs efforts pour mettre fin à l’impunité.

Pour l’UJT, la commémoration de cette année 2023, est axée autour du thème : « La violence exercée contre les journalistes, l’intégrité des processus électoraux et le rôle du leadership public ». Une thématique à plusieurs dimensions qui reflète parfaitement le contexte tchadien en transition politique. En effet, dans sa marche vers le retour à l’ordre constitutionnel, le Tchad connaitra notamment toutes les élections référendaire, présidentielle, législatives, sénatoriales et communales dans les mois à venir. Pour une plus grande intégrité de ces élections, le rôle des professionnels des médias est crucial. Mais seulement si les journalistes parviennent à exercer librement leur rôle, sans entrave, sans violence exercée contre leur personne et leurs matériels de travail, dans un contexte économique idoine et avec des lois qui les protègent ainsi que les pouvoirs qui les sécurisent. C’est pourquoi la commémoration de cette année doit avoir une saveur assez particulière.

Ailleurs à travers le monde, des initiatives concrètes sont prises dans le but d’inciter à mettre fin à l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes. Sous l’égide de l’UNESCO, plusieurs panels seront organisés le 2 et 3 novembre à Washington, avec comme objectif de renforcer les liens de collaboration entre les différents acteurs engagés pour la défense de la liberté d’expression et de coordonner une action commune à l’endroit des menaces auxquelles sont confrontés les journalistes.

Au Tchad, l’Union des journalistes tchadiens invite à un recueillement à la mémoire de nos confrères assassinés, meurtris, martyrisés, disparus et/ou victimes de diverses formes de la barbarie humaine. A l’exemple de Narcisse Oredjé tué par balles réelles le 20 octobre 2022, Evariste Djailoramadji assassiné le 9 février 2022 lors du conflit à Sandana, Service Ngardjelai, séquestré pendant des mois à la prison de haute sécurité de Koro-Toro. Lors des manifestations successives ou des reportages quotidiens autour des ronds-points, sur les ponts, dans les rues, etc., plusieurs d’entre nous ont été la cible des forces de défense et de sécurité ont été brutalisés, torturés et soumis à des traitements dégradants et inhumains aussi bien à N’Djamena que dans les provinces du pays.

« Pour tous ces confrères que nous ne reverrons plus jamais et ceux qui portent des séquelles des sévices corporelles et psychologiques, nous ne pouvons nous taire. Il en est de même pour notre confrère Noubadoum Sotina, porté disparu depuis 2013 sans que lumière ne soit faite sur son cas dix ans après. Cependant, chaque jour qui passe apporte son lot de crimes divers commis contre un professionnel des médias quelque part, dans un coin du Tchad », révèle l’organisation faîtière des journalistes tcahdiens.

Selon l’UJT, le deuxième axe du recueillement cette année est d’unir les efforts pour exiger que les nouvelles lois de la République en cours d’élaboration puissent intégrer la dimension Sécurité et Protection des professionnels des médias. Le Bureau exécutif de l’UJT en appelle donc à une confraternité agissante, à des réflexions plus approfondies, à des actions concertées, à des initiatives plus objectives et à une synergie d’action inclusive dans l’intérêt de tout notre corps de métier. C’est à cela, et seulement à cela, que nous puissions ensemble poser les bases solides pour mettre fin à l’impunité des crimes commis contre les journalistes, ici ou ailleurs, a insisté Abbas Mahmoud Tahir.

Enfin, l’Union des journalistes tchadiens a tiré la sonnette d’alarme en dénonçant l’impunité entourant les crimes contre les journalistes au Tchad. Il est essentiel de protéger la liberté de la presse et de garantir la sécurité des journalistes afin de préserver la démocratie et l’Etat de droit.

« Le contexte actuel de la transition politique met les médias tchadiens et les journalistes devant leurs responsabilités sociales et devant leur rôle de 4ème pouvoir. Ce qui exige qu’ils jouissent de leur liberté d’agir et qu’ils bénéficient d’une couverture sécuritaire et de protection suffisante pour mieux jouer leur partition. Ainsi, tout en interpelant l’Etat tchadien à assurer la sécurité et la protection des professionnels des médias tchadien, l’UJT réclame qu’aucun crime commis contre un professionnel des médias tchadien ne reste impuni », souhaite le président de l’UJT.