La résistance aux antimicrobiens est une crise des soins de santé. Si rien n’est fait, alerte dans un document l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 4,1 millions de personnes pourraient décéder en Afrique d’ici à 2050. Qu’est-ce qui explique l’inefficacité de certains traitements ? Quelles en sont les conséquences ? Comment y remédier ? Des éléments de réponse dans cet entretien accordé à Tchadinfos par Dr Bessimbaye Nadlaou, microbiologiste et chef de service de laboratoire au centre hospitalo-universitaire de référence nationale.

Quelles sont les causes de la résistance aux antimicrobiens ?

Il faut d’abord noter que les antimicrobiens permettent de tuer les bactéries, les virus, les parasites, les agents fongiques, etc. Les causes de la résistance aux antimicrobiens sont l’utilisation de manière abusive et disproportionnée des antibiotiques.

Dans l’élevage, on utilise les antibiotiques pour traiter les animaux. Et, ce n’est pas de manière professionnelle. Ces animaux laissent des déchets avec des antimicrobiens. Dans l’environnement, ces déchets peuvent s’infiltrer dans l’eau qu’on boit. Parfois, en mangeant ces animaux, on ingère directement les antibiotiques stockés. Ces résidus peuvent présélectionner des micro-organismes qui peuvent devenir résistants.

Il y a aussi l’automédication. La personne pense être malade du palu. Or, c’est un autre germe qui est à l’origine de sa maladie. Il prend un médicament qui ne correspond pas à sa maladie. Le germe, sentant la menace, cherche à se protéger. Il y a des cas où même la prescription n’est pas respectée. Quand on ne respecte pas la dose indiquée, certaines bactéries survivent et développent la résistance.
Quand les bactéries deviennent résistantes, elles se transmettent les gênes de résistance, par conjugaison ou transformation.

J’ai travaillé avec un étudiant qui m’a dit qu’à N’Djaména, seulement 25 officines appartiennent à des docteurs en pharmacie. Les autres appartiennent aux autres catégories. Ces personnes n’ont pas la culture professionnelle. Elles peuvent vendre des produits qui n’ont pas de principe actif.

A quoi s’exposent les malades qui ont des bactéries résistantes aux traitements ?

Les conséquences sont énormes. Surtout dans le cas d’un germe PDR. On va épuiser tous les antibiotiques qui se trouvent sur le marché et qui vont malgré tout être inefficaces. A ce niveau, c’est la mort. On va se retrouver avec des infections qui n’ont pas de solutions, pas de traitements.
Mais, avant la mort, sur le plan économique, vous allez vous ruiner en achetant des médicaments de plus en plus chers. Vous êtes tout le temps hospitalisé. Vos activités cessent.

La médecine montre-t-elle ses limites ?

Oui, elle montre ses limites.

A-t-on des chiffres ?

Un exemple : plus de 50% des antibiotiques de la famille des bêta-lactamines ne sont plus efficaces.

Que faire pour prévenir et combattre la résistance ?

Il faut pratiquer l’hygiène et l’assainissement. Dans les pays développés, les maladies diminuent à cause des bonnes pratiques d’hygiène. Ici, Les maladies sont partout. Il faut un environnement propre. A l’hôpital, parfois, les urgences ne suffisent pas et les patients se couchent à même le sol. En se couchant sur le sol, ils se contaminent plus. Il faut manger des aliments sains.

Les antimicrobiens doivent être servis selon les prescriptions médicales et de manière rationnelle. Ces dernières doivent se faire en suivant l’évidence des laboratoires. Il faut aussi renforcer le contrôle des médicaments.