PORTRAIT – Neuf ans après avoir fui les violences dans son pays natal, la République centrafricaine, Koumbo Jean-Blaise essaie de se reconstituer une vie mais les difficultés sont immenses. Le coût de vie, le loyer, le manque de nouvelles des parents… Nous sommes allé à sa rencontre pour comprendre son quotidien.

Une nuée de personnes s’attroupe dans la pièce centrale du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) du Tchad le 20 juin. Parmi elles se trouvent des autorités de l’Agence nationale des titres sécurisés (Anats) et celles de la Commission nationale d’accueil et de réinsertion des réfugiés (Cnarr), des visiteurs et des journalistes. Les uns observent et d’autres touchent du doigt les œuvres d’arts exposées à l’occasion de la journée mondiale des réfugiés qui se célèbre le 20 juin.

Sur la grande table, sont installées des œuvres en bois telles que phacochère, tortue, éléphant et autres animaux en position. Ces œuvres d’art taillées sur mesure expriment le mode de vie et de réinsertion de Koumbo Jean-Blaise, réfugié centrafricain vivant au Tchad depuis plusieurs années. « Tu sais, les artistes sculpteurs ne peuvent pas chômer. C’est comme ça que quand je suis arrivé, j’ai trouvé des frères tchadiens. Je me suis rapproché d’eux pour leur expliquer ma situation.  Ils m’ont dit de faire ce que je connais faire. J’ai travaillé et ils ont vu que je suis bon, ils m’ont accepté et je travaille avec eux dans un atelier au quartier Kabalaye. Il y a des gens qui viennent commander et revendent. Parfois je fais de stock à la maison et des gens viennent payer ».

Cet artiste baigne dans le modelage des objets d’art depuis son enfance. Des matériels notamment couteaux de sculpture, herminettes, set de modelage sont ses compagnons quotidiens.  Des objets d’art, il les façonne et les vend pour espérer retrouver sa vie d’avant, après avoir fui son pays natal suite aux violences où il indique « avoir tout perdu » en 2013. Dorénavant, il est appelé à faire davantage pour survivre.

Les mobiles de son départ du pays

En 2013, les conflits et affrontements entre groupes armés pour le contrôle des ressources et des territoires se sont multipliés en République centrafricaine. Ils ont été menés par la coalition venue du Nord-Est du pays notamment la Seleka et ont occasionné le renversement du régime du président François Bozizé. La population a été victime directe de ces violences. Selon une enquête pilotée par Médecin sans frontière (MSF), « 2 599 personnes décédées entre novembre 2013 et avril 2014 ».

Face à ces violences, Koumbo Jean-Blaise s’est vu obligé de fuir le pays avec sa famille. Comme des milliers de Centrafricains, il a très vite traversé la frontière pour se retrouver au Tchad depuis le 5 octobre 2013. « La personne qui m’a fait quitter la RCA est mon beau-frère. Dès la rentrée des rebelles dans le pays, il s’est rallié de leurs côtés et revient nous menacer. Un jour, j’étais au travail, ma femme m’a appelé pour m’informer des attaques dans le quartier. J’ai dit à ma femme de me trouver quelque part et on a quitté le pays’’, se rappelle-t-il encore.

Après quelques jours à N’Djamena, l’artiste sculpteur a jugé utile de se faire enregistrer pour avoir le statut de réfugié. « Dès que je suis arrivé, j’ai cherché à contacter le HCR, et du coup ils m’ont accepté et vérifié si je suis réellement réfugié. Après avoir présenté mes pièces, j’ai été enregistré et une carte de réfugié m’a été donnée ». Ce statut a été recommandé à toute personne ayant quitté son pays pour des raisons de violences, non-respect de droit l’homme et autres dans la Convention de 1951 relatif au statut des réfugiés, dans son article 12. ’’Le statut personnel de tout réfugié sera régi par la loi du pays de son domicile ou, à défaut de domicile, par la loi du pays de sa résidence’’.

Les interminables difficultés

Neuf ans après, ce père de 4 enfants peine à s’intégrer dans la société tchadienne. Le coût de vie, l’interminable problème de loyer, manque de matériels de travail et autres sont ses maux quotidiens. « La vie à N’Djamena n’est pas pareille à celle de la Centrafrique. J’ai eu vraiment des difficultés. Même récemment ma fille de 14 ans a été violée. Le problème est encore à la justice, je repartirai le 29 de ce mois. J’ai perdu deux enfants au Tchad », explique Koumbo Jean-Blaise. 

En plus de cela, ce père de famille est hanté par une autre nouvelle, celle de ses parents. « (…) j’ai tout perdu. Là je ne connais pas les traces de mes parents, notre maison était cassée. Je ne sais pas s’ils sont en vie ou pas ».

Jean-Blaise figure parmi ces milliers de réfugiés centrafricains qui vivent au Tchad depuis des années. A ce jour, le Tchad compte 578 842 réfugiés venant de différents pays selon les données du HCR. Parmi eux, 125 301 viennent de la Centrafrique.