Militante des droits de femme et fondatrice de l’association Women Success qui milite en faveur de l’épanouissement de la femme tchadienne, Irène Fouyaba explique de manière lucide son combat et l’objectif de son association à travers une interview qu’elle a accordée à Tchadinfos.

Vous avez créé un mouvement des femmes dénommé Women Success. C’est quoi son objectif ?

Women Success est une association des femmes qu’on préfère appeler mouvement avec une connotation un peu globale. Ce mouvement fondé en 2019 a pour objectif de militer pour l’autonomisation de la femme. Nous menons également des actions en faveur à de l’éducation des filles, la lutte contre les violences basées sur le genre, les activités en rapport avec l’égalité de sexe, la santé et le bien-être de la femme.

Nos différentes missions se résument à la promotion de l’entrepreneuriat féminin et le leadership des femmes, à la promotion de l’égalité de sexes et la vulgarisation des droits des femmes; aux actions pour la réduction des violences basées sur le genre, à la promotion de la santé et du bien-être des femmes, aux actions pour l’éducation des filles, des appuis techniques et financiers aux organisations féminines, à la célébration des femmes inspirantes.

Qu’est-ce qui vous a amené à mettre sur pied un tel mouvement ?

En 2019, nous étions avec une amie qui était aussi très engagée et on se disait comment être un peu utile pour notre communauté. C’est dans les conversations simples qu’on est arrivé à l’idée de créer une association ou un évènement. Finalement on a décidé de mettre sur pied une association pour pérenniser nos actions. Nous avons préféré l’appelé Women Success, pour être plus global et original.

Nous avons créé cette association pour aider les femmes à prendre conscience de leur état et trouver des solutions pour s’en sortir. Parce que vous savez tous que la pauvreté touche tout le monde mais les femmes sont celles qui ressentent beaucoup plus les effets. Elles n’ont pas assez de ressources pour s’affirmer et des compétences insuffisantes pour faire ce qu’il faut afin de gagner leur vie. On s’est dit qu’à travers l’association on va soutenir ces femmes que ce soit par les formations ou par les petits appuis, les accompagnements, conseils et orientations.

Quelles sont les activités réalisées ?

Depuis la création de Women Success, nous avons formés 200 femmes en décoration, une centaine en customisation, une trentaine de femmes en technique de maquillage, en restauration et bien d’autres. En plus de ça, on a appuyé financièrement plus de 20 entrepreneuses pour lancer leur initiative génératrice de revenus, fournir des intrants agricoles à une dizaines de femmes rurales, accompagner plus de 10 entrepreneures dans le processus de formalisation de leur entreprise.

L’une de nos plus grandes réalisations est l’organisation de la première édition du forum Women Success qui était un grand évènement sur l’entrepreneuriat féminin et a permis à plus de 70 femmes d’exposer, à la foire des entrepreneures, leurs produits, biens et services. Le forum a aussi permis de former plus de 400 femmes dans les domaines comme la restauration, la coiffure, la customisation, l’esthétique, etc.

Women Success est aussi à l’origine du café des entrepreneurs qui était un espace dedié aux femmes uniquement afin de partager leur expérience avec les autres femmes, discuter sur les défis et proposer des solutions.

Nous avons aussi réalisé plusieurs activités en matière de VBG (Violence Basée sur le Genre) précisément les orientations, la sensibilisation et surtout l’accompagnement des victimes. Enfin, nous avons mené des actions en faveur de l’éducation des filles et d’autres actions d’envergures sont en cours.

Avez-vous des partenaires financiers ?

En tant que jeune association, nous n’avons pas encore des partenaires financiers. Sans vous mentir, c’est avec nos propres ressources que nous fonctionons. On essaye d’être régulier sur nos cotisations en tant que membre et maintenant à côté il y a des donateurs. Des personnes privées qui, à chaque fois, nous aide quand on a besoin de leur soutien. Lorsqu’ on a un évènement ou une initiative, on envoie toujours des lettres pour l’appui à plusieurs organisations publiques et privées. Certaines arrivent quand même à nous répondre positivement. On ne reçoit pas beaucoup mais on donne plus.

Quelle lecture faites-vous de la situation de la femme tchadienne ?

La femme tchadienne est la brave femme que tout le monde présente. C’est une femme qui ne dort pas et qui fait tout pour maintenir sa famille, ses enfants. Ça c’était l’ancienne génération. Nos mamans, nos grand-mères. Mais la femme tchadienne d’aujourd’hui, si je peux le dire, sans être dure, est que nous ne sommes pas très motivées et pas très déterminées à nous sortir de la situation. Nous sommes habituées à la facilité. Nous voulons tout avoir sans efforts. Et même les efforts de celles qui font vraiment ce qu’il faut sont minimisés. Aujourd’hui, la pauvreté touche les femmes et au lieu de se demander comment sortir de cette pauvreté, on préfère y rester. C’est à ce niveau que notre association intervient pour faire changer les mentalités. On fait comprendre aux femmes qu’on peut naitre pauvres mais on peut faire de notre mieux pour s’en sortir.

Sur les autres plans, le Tchad n’est pas un exemple de respect de droit de femme ou d’égalité. Il n’y a pas de jours où on ne parle des agressions physiques par ci les agressions sexuelles par là. Et dans tout ça, on n’a pas des textes qui protègent vraiment les femmes. Elles sont laissées à leur triste sort, elles subissent toutes formes de violences. Peu de personnes dénoncent ces violences alors que ce sujet devrait faire l’actualité chaque jour.

Vous envisagez organiser en octobre la deuxième édition de Women Success. Quelles sont les particularités de cette édition prévue du 23 au 28 octobre ?

Comme la première édition, celle-ci sera également riche en activités. Il y aura cette année des formations pratiques, des panels d’experts, des séances de partage d’expérience, l’agrandissement de notre foire. Une autre particularité cette année c’est la soirée des ‘’Awards’’ qui nous permettra de primer au moins 7 entrepreneurs par catégorie.

Vos conseils pour les femmes tchadiennes qui veulent entreprendre ?

Il faut que tu bouges chérie ! Rien ne va tomber du ciel. Si tu ne fais rien, tu ne va rien avoir justement. Mais il faut le faire dans le bon sens. Bouger peut avoir plusieurs connotations mais je fais allusion au renforcement des compétences. Si on doit être quelque part, il faut que je puisse le mériter. A l’école ou au travail, les femmes doivent toujours faire des efforts pour qu’on puisse dire : ” cette femme fait bien son travail”  mais qu’on ne puisse pas dire “c’est une femme, comprenez-la.”

Pour moi, la femme doit tout faire pour être meilleure dans tout ce qu’elle fait. Ainsi, le jour où on se lève pour réclamer notre égalité ou notre place, il faut qu’on sache que nous le réclamons par mérite mais pas pour remplir un certain quota ou combler un trou.

Propos recueillis par Almardi Charfadine