Dans un document, Stephen Cornish, directeur général de Médecins sans frontières (MSF) Suisse, appelle les parties en conflit au Soudan d’éviter de cibler les humanitaires et de permettre aux populations civiles d’accéder aux soins de santé d’urgence.
‘’Si vous pensez que les événements qui se déroulent actuellement au Soudan constituent une situation d’urgence sans avertissement, détrompez-vous’’, déclare d’emblée Stephen Cornish.
Pour lui, le conflit actuel est un symptôme aigu d’une crise qui sévit dans le pays depuis des décennies. “La population soudanaise souffre depuis bien trop longtemps des troubles politiques et de l’instabilité économique. L’escalade des besoins humanitaires a laissé de nombreux Soudanais en mode « survie »’’, rappelle-t-il.
Rien que l’année dernière, s’appuie le DG de MSF Suisse sur des données des Nations unies, les besoins humanitaires ont atteint leur niveau le plus élevé en dix ans, les conflits violents et l’insécurité alimentaire figurant parmi les nombreux défis auxquels la population a été confrontée.
‘’Tandis que, d’importantes inondations ont mis en évidence la vulnérabilité du pays face à l’évolution rapide des conditions climatiques’’, relève-t-il.
‘’La situation s’est encore aggravée avec la recrudescence des combats entre groupes armés dans les États du Darfour, du Kordofan et du Nil Bleu, qui a entraîné le déplacement de plus de 3 millions de personnes, dont près de 2,5 millions pour le seul Darfour’’, signale le DG de MSF Suisse.
Entre-temps, le Soudan a également accueilli plus d’un million de réfugiés en provenance de pays voisins tels que le Sud-Soudan et l’Éthiopie, qui ont ‘’eux-mêmes fui la violence pour se retrouver coincés dans un autre conflit, ce qui affecte encore plus leur capacité à faire face à leur fuite de la misère et de la mort”.
Des besoins humanitaires accrus
Avant le conflit actuel, les équipes avaient tiré la sonnette d’alarme en attirant l’attention sur les besoins critiques des populations de l’ouest du Darfour.
‘’Aujourd’hui, nos équipes ont été les premiers témoins de l’effondrement du système de santé et de l’augmentation rapide des besoins médicaux et humanitaires dans tout le pays, plaçant un grand nombre de personnes dans une situation où leur vie est menacée. Les Nations unies estiment que les besoins ont augmenté de 57 % depuis décembre 2022’’, rapporte Stephen Cornish.
Depuis le 15 avril, les habitants de Khartoum et d’autres États ont souffert des combats violents, des frappes aériennes et des pillages massifs.
‘’Une nouvelle vague de déplacement de 1,4 million de civils a été signalée, les femmes et les enfants étant particulièrement touchés. Les violences actuelles ont entraîné des pénuries de nourriture, d’eau, de médicaments et de carburant, provoquant une flambée des prix et rendant de plus en plus difficile l’accès aux soins médicaux au moment où les gens en ont le plus besoin’’, continue-t-il d’étaler la situation.
Malgré d’immenses obstacles, MSF dit rester déterminé dans son engagement à soutenir au mieux le peuple soudanais, en fournissant des soins de santé essentiels à ceux qui en ont besoin.
‘’Nos équipes sont actuellement présentes dans dix États du Soudan et participent à diverses activités, telles que la prise en charge des blessés de guerre à Khartoum et au Darfour Nord, la fourniture de soins de santé et de services d’eau et d’assainissement aux réfugiés, aux personnes déplacées et aux communautés locales dans les États d’Al-Gedaref et d’Al-Jazeera, et la fourniture de matériel médical aux établissements de santé dans tout le Soudan”.
Des équipes de MSF prises pour cible
Cependant, les attaques contre les établissements de santé et le ‘’mépris’’ pour la vie des civils ont rendu de plus en plus difficile pour MSF la fourniture de services de santé vitaux pendant cette période critique.
’’ Par exemple, à Nyala, au sud du Darfour, nous avons été contraints de suspendre nos activités après que l’un de nos complexes et entrepôts ait été violemment pillés le 16 avril ‘’, déplore Stephen.
Des ressources vitales pillées
À Khartoum, cite-t-il, un autre entrepôt a également été pillé et occupé, et des fournitures médicales, du carburant et des véhicules ont été volés.
‘’Les réfrigérateurs ont été débranchés et les médicaments laissés à l’air libre et à même le sol, ce qui signifie qu’ils ne peuvent plus être utilisés. Le 26 avril, l’hôpital universitaire d’El Geneina, où MSF gérait les services de pédiatrie et de nutrition, a également été pillé et certaines parties de l’hôpital ont été endommagées ou détruites. L’hôpital reste fermé suite à cette attaque’’, informe-t-il.
Des problèmes administratifs et logistiques entravent également les activités médicales de MSF. ‘’ Il est extrêmement difficile d’acheminer des fournitures d’une région à l’autre du Soudan. De même, bien que MSF ait pu faire entrer des équipes d’urgence au Soudan au cours des premières semaines du conflit, il est depuis lors difficile d’obtenir l’autorisation de se rendre sur les lieux des projets ou d’obtenir des visas pour du personnel supplémentaire”.
Un appel à protéger les populations civiles et le personnel médical
Face à conflit qui oppose depuis près de deux mois l’armée et les forces de soutien rapide, il est ‘’impératif’’, suggère le responsable de MSF Suisse, de garantir la sécurité du personnel médical et des établissements de santé afin d’assurer une prestation efficace des soins de santé. ‘’Il n’y a pas de temps à perdre pour protéger les vies vulnérables au Soudan’’, dit-il.