A l’approche du dialogue national inclusif, Tchadinfos est allé à la rencontre d’Abba Ali Kaya, l’un des journalistes qui ont couvert la conférence nationale souveraine de 1993. Il partage ses expériences et donne quelques conseils aux jeunes journalistes qui s’apprêtent à couvrir le dialogue national inclusif. Voici l’entretien exclusif que nous vous proposons.

Vous étiez l’un des journalistes qui ont couvert la conférence nationale souveraine de 1993. Racontez-nous vos souvenirs.

De 1993 à 2022, ça fait déjà 29 ans. A l’époque, on était des jeunes journalistes intégrés la Fonction publique et nous avons envie de nous réaffirmer. Pour ce faire, c’était le travail qui comptait. Surtout le travail bien fait. Pour la conférence nationale souveraine, en tant que journalistes nous avons fait des miracles avec les moyens du bord. Tout cela a été possible rien que par la volonté. Grâce à cette attitude, nous avions abattu un travail de qualité. Nous avons suivi l’événement de bout en bout.

Au départ l’événement était destiné pour 15 jours, la Conférence nationale souveraine s’est rallongée sur une durée de trois mois.  Durant ces trois mois, nous avons travaillé sans se lasser et se décourager. On bossait du matin au soir. Puisqu’on apprend aussi l’histoire de ce pays, à travers les hommes politiques qui prennent part à la conférence.

Nous suivons de bout en bout, les différentes interventions, nous côtoyons et échangeons avec les hommes politiques. C’était une opportunité de se cultiver et d’apprendre l’histoire tumultueuse du Tchad.  Nous n’avons aucun intérêt matériel, ni financier derrière la tête. On cherchait à imprimer nos noms, c’était comme de la concurrence pour nous.

Après la fin de l’événement, ma direction m’a demandé de sortir une œuvre sur les trois mois de la conférence nationale souveraine.  Comme j’ai eu la chance de suivre la conférence intégralement, c’était très simple pour moi, puisque j’ai déjà le fil conducteur en tête. J’ai un bon monteur en l’occurrence Oumar Yaya. En moins d’une semaine, j’ai produit un documentaire. Aujourd’hui, les gens l’utilisent à volonté. C’est une fierté pour moi.

Quels conseils donneriez-vous aux journalistes qui vont couvrir le dialogue national en vue ?

29 ans après, les choses ont évolué, il y a une multitude de presse et de journalistes. De nos jours, on n’est pas à l’abri de fake news. On peut ne pas aller dans une salle de rédaction, rester quelque part, regarder sur la toile et balancer l’information. Je ne serai pas surpris d’une telle attitude.

La génération actuelle, elle est beaucoup marquée par les biens matériels. Au lieu de dire j’ai fait l’école de journalisme, je fais ce métier, il faut que je laisse un nom. Non ! C’est la course effrénée vers les biens matériels.  J’ai souvent répété aux jeunes confrères, quand on veut être un bon journaliste, un vrai journaliste on ne peut pas être un homme riche. Vous pouvez avoir un salaire décent qui vous permet de vivre oui ! Mais être riche comme un homme d’affaires non ! Par contre on peut vous créer les conditions pour que vous puissiez vivre à l’aise. Faire ce métier et chercher l’argent ça ne rime pas.

On vient dans ce métier c’est pour l’histoire et pour laisser un nom. Pour qu’on dise qu’à l’époque tel monsieur, quand il était dans telle émission, il faisait bien son travail, ou il faisait une belle présentation. Mais les choses ont changé. C’est la course effrénée vers les biens matériels, ce qui est vraiment déplorable. Nous l’avons toujours déploré, toujours dénoncé, malheureusement le mal persiste.

A notre époque, on ne connait pas l’histoire de « gombo », (per diem). Nous cherchons l’excellence. Il y a une certaine émulation saine entre nous, au bénéfice de notre téléspectateur. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est un mal qui gangrène parfois toute la presse. Il y a des gens quand ils vont dans un séminaire ou cérémonie, quand ils n’ont pas de per diem, parfois votre élément est mal traité, à la télévision votre image est complètement effacée, à la radio votre son est écrasé, etc. C’est une triste réalité. J’espère qu’avec le temps les gens prendront conscience et qu’on mettra un terme à ce comportement.

J’imagine qu’il y a des journalistes qui n’ont pas assisté à la Conférence nationale souveraine, c’est une opportunité pour eux d’assister au dialogue national inclusif, avec toutes les composantes de la société tchadienne. Maintenant c’est à eux de savoir ce qu’ils veulent en assistant. Il faut chercher le maximum d’information, glaner les informations par ci par là, au-delà des débats. Parce que ce sont des éléments qui peuvent leur servir demain s’ils veulent écrire un livre. La balle est dans le camp de tout un chacun. En tant que journaliste qu’est-ce que exactement je veux faire ? C’est à eux de se fixer des objectifs par rapport à un tel événement qui n’arrive pas souvent. Voilà 29 ans après qu’on vit cet événement, Dieu seul sait si on aura un autre genre d’événement.