Au sommet de Dubaï, Mahamat-Saleh Annadif a placé notre pays en première ligne dans le plaidoyer pour la reconnaissance et la prise en compte du potentiel des zones arides. Une marque de leadership bienvenue.

À la COP 28 de Dubaï, la diplomatie tchadienne a annoncé un sommet international sur la désertification en 2024. C’est cette facette de la diplomatie tchadienne qui plaît : celle d’une diplomatie faisant preuve de leadership. L’annonce de la tenue d’un sommet international sur la désertification, faite ce 1er décembre par le ministre des Affaires étrangères, Mahamat-Saleh Annadif, en ouverture de la COP dubaïote, doit conforter le Président de transition dans son choix de confier les rênes des relations extérieures à un homme à l’entregent à la fois naturel et bâti au fil de ses 40 ans de carrière. Ceci pour dire qu’il n’est pas donné à tout le monde d’avoir une posture qui dénote avec les comportements effacés du passé.

Tout en tançant l’immobilisme et les effets d’annonces « sans conséquences réelles pour nos laborieuses populations » des éditions précédentes de cette COP devenue répétitive, le chef de la diplomatie tchadienne a attiré l’attention de l’aréopage de politiques, d’experts du climat ou encore d’activistes sur le potentiel des zones arides faiblement peuplées. Il conjugue son souhait d’organiser une conférence sur la désertification à « la création d’une nouvelle organisation mondiale des pays entièrement ou partiellement désertiques, car le monde renferme beaucoup d’écosystèmes désertiques éparpillés dans plusieurs pays. »

Mahamat Saleh Annadif tente à travers ces propositions de recentrer les discours et les éventuelles actions qui pourraient en découler sur les réels besoins de chaque zone géographique. Singulariser les approches afin de les rendre plus réalistes et, in fine, plus efficaces.

Quels avantages pour le Tchad ?

Les annonces de Mahamat-Saleh Annadif sont justifiées par :

1) le fait que la diplomatie tchadienne se doit d’exister à travers des initiatives inhabituelles pour les pays du Sud

2) une volonté manifeste d’être en première ligne dans ces débats supranationaux sur les questions climatiques afin de porter la voix des premières victimes (que sont « nos peuples », pour utiliser la terminologie utilisée par MSA) d’une industrialisation qui pollue depuis l’Asie, l’Europe ou l’Amérique.

« Le soft-power du pauvre », diraient les mauvaises langues. Eh bien oui, c’est exactement de cela qu’il s’agit. En dépit de nos marges d’action réduites (qu’elles soient financières et/ou politiques), nous bénéficions toujours de nos sièges et de notre droit de parole dans les grands-messes internationales. Ces occasions rares de s’exprimer et d’être médiatisés doivent servir à dénoncer de manière constructive et proposer de nouvelles voies, plutôt que de dérouler des discours convenus et laudatifs.

Le Tchad se démarque, le Tchad fait preuve de leadership… et ce n’est pas pour déplaire.

Quels contours pour cette conférence internationale sur la désertification ?

À la fois scientifique, politique et économique. Telles pourraient être les retombées de cette rencontre qu’organisera le Tchad « à la fin de l’année prochaine ».

Les autorités doivent, en amont de l’événement, proposer une vision nationale (très singulière) sur le climat et ses changements. Cette vision politique doit ensuite pouvoir être déclinée de manière à s’intégrer à de futures propositions internationales. Faire rédiger un syllabus exhaustif sur les objectifs d’un tel événement avec en toile de fond la vision politique est la deuxième obligation des autorités de N’Djaména si elles souhaitent faire de ce rendez-vous un point de départ pour ce que l’on pourrait définir comme un afro-centrisme idéologique sur le climat désertique.

En conclusion, le ministère des Affaires étrangères ne doit pas mettre la charrue avant les bœufs et travailler de manière méthodique. À savoir : élaborer et convaincre sur la pertinence de son message politico-scientifique (lors de rencontres en amont) avant de penser aux gadgets que sont les outils de communication. Cette méthodologie de travail permettra d’attirer la fine fleur des scientifiques (qui fuient pour la plupart les opérations de communication sans objectifs tangibles) afin d’en tirer à terme le plus grand bénéfice.

Chérif Adoudou Artine