Il a défié toutes les règles sociétales et le poids des mœurs. Il a mis son honneur en jeu pour pouvoir subvenir aux besoins de sa petite famille. C’est l’histoire de Ramadji Ghislain, le vendeur ambulant des fruits le plus chic et élégant de la ville de N’Djamena.
« Il ne faut pas avoir honte d’imiter le bon exemple ». Telle est la phrase qui a inspiré Ramadji Ghislain, connu sur les réseaux sociaux sous le pseudo de Christ Le Fou. Ce jeune détenteur d’un Master en Impacts environnementaux s’est transformé en vendeur ambulant des fruits (banane et orange) depuis un mois déjà.
Cependant, il ne se comporte pas comme des vendeurs ambulants ordinaires. « J’ai décidé d’imprimer mon style pour me démarquer », dit-il. A la différence des autres, il s’habille avec élégance : ensemble veste, cravate et pantoufle aux pieds. Ce n’est pas tout. La grande différence est que Christ Le Fou vend ses fruits sur un plateau qu’il porte sur la tête. Un comportement très étrange dans un pays où le poids de la tradition domine. « Le premier jour, quand les gens m’ont vu porter le plateau avec des fruits, ils me regardaient avec étonnamment et bizarrement. Certains me disaient que ce n’est pas digne d’un homme ; d’autres m’insultaient ; d’autres encore m’encourageaient. Et moi dans tout ça je n’ai pas honte de ce que je fais », raconte-il. Pour lui, il a une famille à nourrir, et ce ne sont pas les railleries des autres qui vont l’empêcher d’exercer son petit commerce.
Vendre des fruits dans un plateau posé sur la tête, Christ Le Fou l’a imité de Lorenzo, un vendeur camerounais des fruits. « C’est lui mon modèle. Je vends mes fruits exactement comme lui, avec un ticket en guise de reçu de paiement et des mouchoirs », détaille-t-il. Pour avoir le courage de faire face à des railleries, Christ Le Fou a mis en avant son talent de comédien. Pour la petite histoire, il a été élu meilleur comédien en 2019 pour la province du Moyen-Chari. « Quand j’ai posté mes photos avec les fruits, les gens ont pensé que c’était mes scènes de comédie donc beaucoup n’ont pas pris au sérieux. C’est par la suite qu’ils ont compris que c’est de la réalité », témoigne-t-il.
Son petit commerce, il l’a entamé avec une somme de dix milles francs CFA qu’il a gagnés en faisant de petits travaux. Il s’est acheté un plateau, des fruits, des mouchoirs jetables et un bloc de reçu. « Au premier jour, j’ai fait la mévente. A peine, j’allais abandonner », évoque-t-il. Mais les encouragements de ses cousines et de sa mère l’ont motivé à persévérer. « Maintenant, j’arrive à liquider mes marchandises chaque fois. En plus je suis devenu une star. Là où je passe, les gens se prennent en photo avec moi », se réjouit-il.
Sympathique, comique et réservé, Ramadji Ghislain se définit comme un homme sociable. Il invite les autres diplômés à se surpasser et faire dans des petits métiers. « Ce qui nous empêche d’évoluer, c’est le poids de la tradition et le manque d’esprit d’entrepreneuriat. Nos parents ne nous ont pas inculqué çà », conclut-il.