Les autorités doivent lutter contre la corruption et non ceux qui la dénoncent, interpelle Amnesty International, dans un communiqué. C’est à l’occasion de la journée africaine de lutte contre la corruption.

‘’Les États d’Afrique de l’Ouest et du Centre doivent cesser de persécuter les défenseurs des droits humains qui dénoncent la corruption, les pots-de-vin et les abus de pouvoir, et prendre des mesures concrètes et efficaces pour les protéger et les soutenir’’, lance Amnesty International.

Dans 19 pays de la région d’Afrique centrale et de l’Ouest, les défenseurs des droits humains qui combattent la corruption risquent des arrestations, du harcèlement, des placements en détention, de lourdes amendes et même la mort. D’autres font l’objet de procès et de poursuites pénales, en violation de leurs droits à la liberté d’expression, regrette l’organisation.

Des militants anti-corruption subissant répression, recensés par Amnesty

Dans un rapport publié le 10 juillet et prenant en compte la corruption en Afrique centrale et de l’Ouest, Amnesty International évoque le cas de plusieurs militants anti-corruption persécutés et emprisonnés.

Au Niger, la journaliste et blogueuse Samira Sabou a été condamnée à une peine d’un mois de prison et une amende de 100 dollars américains pour « diffamation par un moyen de communication électronique » au titre de la Loi sur la cybercriminalité en 2022. Il lui était reproché d’avoir relayé un article publié en mai 2021 par l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée (GI-TOC), selon lequel de la drogue saisie par les autorités nigériennes avait été rachetée par des trafiquants de stupéfiants et remise sur le marché.

En juin 2020, elle a été accusée de diffamation à la suite d’une plainte déposée par Sani Mahamadou Issoufou, ministre du Pétrole, de l’Énergie et des Énergies renouvelables et fils de l’ancien président du Niger Mahamadou Issoufou. La plainte a été portée contre elle après qu’un utilisateur de Facebook a mentionné le nom d’Issoufou dans un commentaire qui répondait à une publication faite par la journaliste sur des allégations de corruption lors de l’achat d’armes. Bien que Samira Sabou n’ait pas mentionné le nom de Sani Mahamadou Issoufou dans sa publication, elle a été arrêtée et immédiatement transférée à la prison de Niamey.

Au Togo, le journaliste Ferdinand Ayité a été arrêté le 10 décembre 2021 après avoir accusé deux membres du gouvernement de corruption dans son émission « L’autre journal » diffusée sur sa chaîne YouTube. Le 15 mars 2023, il a été condamné avec un confrère à trois ans d’emprisonnement et trois millions de francs CFA (environ 5 000 dollars américains) d’amende pour « outrages envers les représentants de l’autorité publique » et « diffusion de fausses informations ». Tous deux ont fait appel de cette décision mais ont dû fuir le pays pour leur sécurité.

Au Cameroun, le journaliste Martinez Zogo, directeur de la station de radio privée Amplitude FM, a été enlevé par des hommes non identifiés le 17 janvier 2023. Son corps mutilé a été retrouvé sur un terrain vague aux abords de Yaoundé, la capitale, le 22 janvier. Avant son enlèvement, il enquêtait et avait publié des informations sur le détournement présumé de centaines de milliards de francs CFA par des personnalités politiques et du monde des affaires proches du gouvernement.

Protéger les personnes qui combattent la corruption

La corruption prive les couches économiquement et socialement vulnérables de la société des revenus et affaiblit la capacité des États à s’acquitter de leurs obligations en matière de droits humains, affirme Amnesty International.

L’institution appelle les États d’Afrique centrale et de l’Ouest à agir.
« Les gouvernements de la région doivent se montrer à la hauteur de leurs obligations internationales en matière de droits humains, qui sont notamment de respecter, de protéger, de promouvoir et de réaliser les droits de celles et ceux qui prennent position contre la corruption et défendent les droits fondamentaux.

Ils doivent remédier à la culture généralisée de l’impunité qui continue d’alimenter la corruption endémique, contribue à des atteintes supplémentaires aux droits humains et prive les victimes d’accès à la justice et à des voies de recours efficaces », dit l’ONG.