En allant présenter le candidat Hissein Brahim Taha aux Chefs d’Etat Buhari du Nigeria et Talon du Bénin, les diplomates tchadiens pensaient avoir fait le gros du travail. Que nenni!

Dans l’arcane diplomatique tchadienne, les journées (et soirées aussi) du 26 et 27 novembre sont à inscrire sur du marbre. Durant ces deux jours, malgré leur pondération, leur maîtrise de soi et leur flegme professionnel, nos représentants à Niamey sont passés par toutes les émotions des plus optimistes aux plus palpitantes. Il faudrait avoir le cœur solide pour supporter autant des poussées d’adrénalines. Pour ceux qui l’ont vécue, cette situation s’apparentait à celle qu’a vécu la délégation d’Idriss Miskine à Syrte en 1983 lorsque la Libye ne voulait pas voir siéger la délégation en provenance de N’Djaména à la conférence des Chefs d’États membres de l’Organisation de l’Unité Africaine (Oua), ancêtre de l’actuelle Union Africaine. Idriss Miskine, alors chef de la diplomatie tchadienne, et ses compagnons ont dû marcher une quarantaine de kilomètres afin d’être présents à la salle de conférence malgré l’hostilité libyenne.

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Pour ce qui nous concerne, arrivée à Niamey la veille de l’ouverture de la 47e session du Conseil des Ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Oci, la délégation tchadienne n’a pas chômé.

En bon capitaine de l’équipe, le Ministre Amine Abba Sidick a tracé les lignes et a engagé sa troupe dans un assaut offensif de grande envergure. L’ambassadeur du Tchad en Arabie Saoudite et représentant permanent auprès de l’Oci était chargé de cornaquer ses collègues tous présents dans les environs de la salle de conférence Mahatma Gandhi qui accueillait cette grande messe de l’Islam politique.

De l’autre côté, le très arabophone conseiller du Président de la République, le Maréchal Idriss Déby Itno, Hissein Massar Hissein qui était amené à dessein était mis à contribution pour appuyer l’ambassadeur, Zakaria Fadoul Kittir Junior.

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Hissein Brahim Taha, Acheikh Ibni Oumar en tant qu’anciens Ministres des Affaires étrangères étaient en première ligne dans ce travail de marquage rapproché des délégations étrangères.

Amine Abba Sidick, supervise tout, passe les coups de fil nécessaires et surtout rend compte et fait le relais avec le coach de l’équipe, le Maréchal en personne qui avait les oreilles fixées au téléphone. Son corps était à Libreville et son esprit à Niamey. Ne tenant plus sur place, il a dû rentrer très vite à son centre des opérations du Palais rose pour finaliser l’action. Le maréchal aime cette situation. La pression mise sur lui par ses homologues nigérian et béninois lui a permis de déployer tout son art de guerre.

Le 27 novembre a été une journée très longue. Le Nigeria et le Bénin maintiennent leurs candidatures. Buhari a donné des assurances pour retirer son candidat mais, face au refus du Bénin, ne l’a pas retiré. L’écureuil béninois n’avait pas peur d’affronter le Sao Tchadien parce qu’il savait compter sur un soutien de taille: la Turquie.

Le pays d’Erdogan, par défiance pour le bloc Arabie-Saoudite- Émirats Arabes Unis qui soutenait le Tchad a rallié à sa cause tous les pays d’Europe de l’Est (Azerbaïdjan, Ouzbékistan, Kazakhstan…). La lutte était dure.

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Aux diplomates tchadiens, s’ajoute le ministre délégué auprès du Ministre des Relations extérieures, chargé de la Coopération avec le monde islamique, Adoum Gargoum, Arabe-Choua de Kousseri. Le diplomate camerounais, Tchadophile dans l’âme, met tout son poids dans la balance pour le compte du Tchad.

La délégation soudanaise a pris à bras le corps la candidature du Tchad qui est porté par un symbole de cette relation séculaire entre les deux peuples. Hissein Brahim Taha ayant une lointaine origine soudanaise ne doit pas souffrir d’un quelconque abandon. Le Tchad et le Soudan ont, de part et d’autresl de leurs frontières, une tradition des ressortissants ayant les origines de l’autre État et qui percent au plus haut niveau de leurs administrations respectives.

L’Égypte, l’Algérie, le Maroc ont tous abattu un travail remarquable pour le compte du Tchad.

De l’autre bout de téléphone, le Chef de l’Etat Tchadien n’a pas laissé du répit à ses homologues surtout Muhammadu Buhari du Nigeria.

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Finalement, c’est au bout de la soirée, à 21h15 que le Benin se rend à l’évidence. Le match était plié. Le groupe africain ne pouvait présenter qu’une seule candidature et ça sera le Tchad. Le dernier round s’est déroulé sans la présence des pays candidats. C’est dans le couloir du Centre des Conférences Mahatma Gandhi que Hissein Brahim Taha reçoit la bonne nouvelle.

Le match est plié. Le Benin qui a été convaincu de son échec devant une élection avec le Tchad a retiré son candidat suivi immédiatement par le Nigeria qui avait déjà donné son accord de principe. Une fois de plus, la tradition du consensus est sauvée au sein du conseil des Ministres de l’OCI.

Pour la première fois de son histoire, le Tchad est porté à la plus haute direction de cette organisation qui est l’une des plus influentes au monde. Avec ses États 57 membres, l’Oci dépasse l’Union Africaine. Par apport au poids économique, l’Union Africaine ne voit même pas le derrière de cette organisation. Au plan stratégique, avec la présence de la Turquie qui est membre de l’Otan et les anciens États du bloc soviétique, ainsi que le chef de file des non-alignés, le Pakistan, l’Oci est au cœur de toutes les interactions géostratégiques du monde. Son influence va de l’Europe à l’Asie en passant par l’Afrique et le Moyen Orient. Désormais, Hissein Brahim Taha est le Tchadien le plus influent au monde.

Abdelnasser Garboa

Correspondance particulière