DAKAR, 9 septembre (Xinhua) — La limitation des mandats présidentiels peuvent garantir la stabilité et la démocratie, ont estimé mercredi des experts réunis à Dakar sur thème: la lutte contre le maintien au pouvoir en Afrique de l’Ouest.
Le secrétaire général par intérim du Forum de la société civile de l’Afrique de l’Ouest, Auwal Ibrahim Musa, a constaté que “l’acceptation de la limitation du mandat est une règle démocratique qui, malheureusement, n’est pas effective en Afrique de l’Ouest”.
“Des mandats illimités créent la violence et l’impunité mais favorisent également la corruption”, a-t-il déploré estimant qu'”ils constituent une menace au développement et à la démocratie”.
“Il est du devoir de la société civile de s’opposer à toute tentative de nos dirigeants de s’éterniser au pouvoir”, a-t-il soutenu avant d’estimer que “l’institutionnalisation de deux mandats présidentiels, au plus, est devenue un impératif en Afrique de l’Ouest et doit être la norme dans toute la région”.
De son côté, le coordonnateur de la branche nigériane du Réseau ouest-africain pour l’édification de la paix (Wanep en anglais), Heanyi Okeachukwu, a estimé que “la limitation des mandats présidentiels est une panacée pour la stabilité de la région”.
“Au cours des deux dernières décennies, il y a eu plusieurs coups d’Etat, des violences électorales et une distribution inéquitable des ressources en Afrique de l’Ouest”, a-t-il souligné.
“Cette situation a entraîné la manipulation des institutions et un retard économique avec des conséquences néfastes sur le développement de certains pays comme on a pu le constater en Côte d’Ivoire avec le cas Gbagbo”, a-t-il fait remarquer.
“Il y a eu aussi les manifestations meurtrières au Sénégal quand Abdoulaye Wade a voulu un troisième mandat en 2012 et au Burkina quand Blaise Compaoré a tenté de changer la Constitution en 2014 après 27 ans passés au pouvoir”, a-t-il rappelé.
Le directeur exécutif de l’Institut de la gouvernance démocratique au Ghana, Dr Emmanuel Akwetey, a, pour sa part, souligné que “la région était très instable avec des guerres civiles, des coups d’Etat militaires et le monopartisme dans beaucoup de pays”.
“La limitation des mandats présidentiels est devenue une loi dans treize pays en Afrique de l’Ouest”, s’est-il réjouit rappelant que “seuls la Gambie et le Togo y sont opposés dans l’espace CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) qui compte 15 Etats membres”.
Selon M. Akwetey, “il y a des moments où les dirigeants veulent se défaire de cette obligation de limitation de mandats qui est très récente en Afrique de l’Ouest”.
“Le programme de développement sert souvent de prétexte aux dirigeants pour rester au pouvoir. Ils profitent également des législations faibles et du sous-développement pour défier la loi”, a-t-il expliqué.
Toutefois, a-t-il estimé, “la limitation des mandats n’est pas une fin en soi. C’est aux peuples de décider du contenu de leurs constitutions, la CEDEAO ne peut pas en décider”.
“Dans le contexte africain, une limitation des mandats présidentiels ne consolide pas nécessairement la démocratie. Il faut des forces sociales et un électorat très fort pour parvenir à la démocratie et à la bonne gouvernance”, a-t-il conclu.
L’administrateur du programme gouvernance politique à l’ONG Osiwa, Mathias Hounkpé, a d’ailleurs soutenu qu'”il serait très exagéré de considérer la limitation des mandats présidentiels comme seul facteur de développement et de démocratie”.
“Il faut plus de justice, de liberté et d’égalité pour instaurer la démocratie”, a-t-il estimé.
Cependant, a-t-il ajouté, “la limitation des mandats crée des motivations chez les dirigeants et influent sur leur manière de gouverner”.
“Ils sauront que, une fois qu’ils quittent le pouvoir, ils deviendront des citoyens ordinaires qui répondront de leurs actes”, a-t-il conclu.