La problématique de la lecture est de nos jours d’autant plus préoccupante qu’un pédagogue en parle.

Initialement, la lecture c’est apprendre à retenir les associations entre les lettres et les sons, c’est alors une prise de connaissance d’un texte écrit. Etant donné que la lecture, très fondamentale, relie les hommes en société bien qu’apprendre à lire n’est pas toujours évident à la base. Du simple fait qu’à la naissance, un bébé peut entendre tous les sons du monde, peut parler progressivement qu’il grandit mais ne pourrait lire un message ou un texte codifié, même en sa langue maternelle.

Par ricochet, lire n’est pas une activité naturelle et cela n’est pas lié à notre patrimoine génétique. C’est pourquoi, dès notre naissance on ne peut ni lire de surcroit ni écrire des textes significatifs relatifs à nos prérequis de langage (oral) appris dans le tas. Ça ne peut-être qu’à ce niveau que puisse intervenir l’apprentissage organisé méthodiquement basé sur les valeurs et compétences de la « Pédagogie » aux principes nettement appropriés. Dès lors que la lecture se veut essentiellement fondamentale, elle a et doit absolument avoir une place d’or dans nos systèmes éducatifs et donc une valeur sine qua non. L’on doit alors y reconnaitre son apport prépondérant, sa valeur incontestable dans la réussite scolaire et partant, la réussite universitaire et même professionnelle. Ceci revient donc à dire qu’on ne peut parler de réussite si la mouvance lecture reste biaisée.

Malheureusement, aujourd’hui au Tchad, l’on assiste à une crise galopante de lecture en milieu scolaire. Preuve qui atteste l’échec du système éducatif avec toutes les composantes de l’éducation nationale. Pour confirmer cette thèse, les enquêtes inlassables et les constats quotidiens dans le domaine de l’éducation attestent que les livres inscrits au programme scolaire ne sont que façades.  Les livres (manuels scolaires, œuvres littéraires de tout genre et autres) ne sont plus achetés bien qu’ils pullulent les papeteries, “les marchés noirs’’ du genre étalage à l’aire libre aux abords des marchés et goudrons sur les principaux axes de la ville de N’Djamena, y compris les marchands ambulants qui, d’une manière ou d’une autre, en assurent une proximité permanente.

La logique aurait voulu que lorsqu’un élève n’a pas de moyen suffisant pour s’en procurer chaque année scolaire ou bien à défaut d’une bibliothèque familiale, il peut alors s’abonner à une bibliothèque bien que le ministère en charge de l’éducation n’en fasse pas priorité. Bien sûr que l’Etat a failli dans ce domaine mais heureusement que dans la ville de N’Djamena, les bibliothèques surtout privées à caractère confessionnel sont bien garnies ; à l’exemple du Centre Al-Mouna, le CEFOD, les deux Centres catholiques universitaires (CCU) et même un peu partout dans les différentes paroisses de l’archidiocèse de N’Djamena. La liste n’étant pas exhaustive, les élèves démunis comme aisés, tout au long de l’année scolaire peuvent toujours avoir la chance de lire des livres. Ces bibliothèques précitées sont quasiment désertes hormis les étudiant(e)s poussés par contrainte à des recherches académiques.

Le constat amer est que la plupart d’élèves qui s’y abonnent en font des lieux de « rendez-vous » de camaraderie et autres, loin de la lecture et de recherches sérieuses. Autre constat est que pendant les préparatifs de chaque rentrée scolaire, certains parents se contentent juste d’acheter d’innombrables fournitures scolaires et d’autres objets luxueux pour leurs progénitures en omettant volontairement des livres. De surcroit, ils ne songent même pas également aux abonnements dans les bibliothèques. D’autres parents en achètent tout un tas, peut-être au plaisir, mais se dérobent du suivi. Il ne suffit pas seulement d’en acheter mais il faut également le suivi, donc les intéressés doivent nécessairement les consulter à plein temps au long de l’année scolaire et certainement, en sortir une quintessence quant à l’évaluation.

C’est aberrant de constater que la plupart des élèves du second cycle des lycées publics comme privés ont du mal à lire un seul livre inscrit au programme scolaire et faire un résumé synthétique de ce qui a été lu et compris. Or, dans un processus d’apprentissage, l’élève doit se créer des situations de découverte personnelle et ne pouvant pas forcément attendre une pression venant de l’enseignant avant de réagir. La pédagogie admet que la révision des cours doit être accompagnée des livres appropriés et cela entre dans les recherches personnelles de l’élève puisque déjà, l’enseignant n’est plus considéré comme « le connaisseur » dans l’antique de la Pédagogie dogmatique. Il faut lire pour saisir le contour des choses. Raison pour laquelle, Jean Guéhonno affirme que : « la vraie lecture commence quand on ne lit plus seulement pour se distraire et se fuir mais pour se trouver ».

Certainement, chaque lecture d’un livre ou article donne une nouvelle information et cela donne de tonus aux connaissances antérieures et renforce les acquis. Abordant dans le même sens, Bruno Bettelheim ajoute : « il se peut que pour la jeunesse, la lecture ne soit plus une source nécessaire et appréciable de savoir et de stimulation. » C’est alors inadmissible qu’un candidat au baccalauréat, en l’occurrence de la série littéraire, prépare l’examen en neuf (9) mois de cours sans avoir lu les livres-clés inhérents aux différents thèmes qui peuvent rendre d’ailleurs très facile la compréhension de n’importe quel sujet qui soit présenté à l’examen au vu de différentes situations humaines (sociales, politiques, culturelles, économiques, sanitaires, religieuses, etc.)

La situation est alarmante, préoccupante et d’actualité. C’est pourquoi, il faut impérativement construire une réponse à cette crise de lecture pour ne pas parler encore de dyslexie qui constitue également un autre sérieux problème dès l’école pré-scolaire ou élémentaire qui mérite d’être ménagé avec tact et professionnalisme. L’interpellation reste impérative aux enseignants, principaux acteurs du système éducatif de manière générale et ceux de section secondaire (en l’occurrence les professeurs de français des lycées) en particulier.

Chers collègues enseignants, convaincu de l’ingratitude du métier et du problème réel qui intoxique le système éducatif, mettons du sérieux dans nos enseignements. En qualité de pédagogues et didacticiens en français, créons et multiplions les espaces de motivation pour la lecture ; faisons-en sorte que nos cours ne les rendent pas prisonniers ; ne basons pas seulement nos évaluations exclusivement sur les cours mais également sur les jeux de lecture des œuvres littéraires.

Bref, stimulons les élèves à la lecture, le trésor y est caché. Conscients de la prolifération des produits de la technologie (Internet), soyons vigilants aux résumés ou synthèses proposés à l’avance qu’ils vont s’en approprier sans effort personnel (plagiat). Si réellement nous sommes animés par la vocation du métier d’enseignant et que nous nous rassurons de sa noblesse, faisons-le avec courage, abnégation et optimisme. Ceci étant fait, certainement la lumière rayonnante jaillira un bon jour et nos sacrifices ne seront pas fortuits.

Aristide REMBAYE, instituteur bachelier et diplômé en Sciences de l’Education à l’Université de N’Djamena