Après s’être faites gazer par la police et subie diverses humiliations, les personnes handicapées ont fini par obtenir la traversée du pont de N’Gueli. Comment s’organisent-elles pour importer les marchandises ? rencontrent-elles des tracasseries ? Leur porte-parole, Ali Justin, se confie à Tchadinfos.

Plus de huit ans après l’interdiction faite aux personnes handicapées, pour des raisons de sécurité, d’importer des marchandises de Kousseri, ville camerounaise située en face de N’Djamena, au moyen de leurs tricycles, ces dernières, à la suite de nombreuses manifestations et une tentative d’exil, ont finalement obtenu gain de cause.   

Depuis le 2 février, au sortir d’une rencontre avec le Premier ministre de transition, les personnes handicapées ont à nouveau l’autorisation de rallier Kousseri d’où elles peuvent ramener des produits de commerce. « Ce pont nous a beaucoup aidé. Quand il était fermé, la situation était précaire, intenable. On a mené un combat pour qu’on nous rouvre. Beaucoup de personnes sont contre cette décision. Surtout les commerçants », regrette Ali Justin, leur porte-parole.

La « terre promise » étant atteinte, Ali Justin et ses compères s’organisent pour éviter d’être infiltrés et pris au piège. Par le passé, certains d’entre eux étaient accusés de transporter des produits prohibés comme la drogue et le Tramadol. Ainsi, un recensement a eu lieu et 280 personnes ont été enregistrées. Un badge est attribué à chacune d’elles. Et chaque tricycle a un numéro d’identification.

Ces personnes handicapées sont autorisées à importer des produits tels que le sucre, ciment, farine, sel, riz, savon. Mais pas les boissons frelatées, les pièces détachées. En contrepartie, une somme forfaitaire est versée aux services publics. «  Avec le peu que nous trouvons, nous alimentons aussi le trésor public. Si quelqu’un ramasse des choses interdites, on l’identifie tout de suite. La peine n’est pas collective.  Mais, il y a certaines personnes handicapées qui se disent des intouchables. Elles disent être cousins à tel ou tel commissaire. Nous les mettons en garde. Le jour où elles vont ramasser des produits prohibés, qu’elles s’assument. Je ne les connais pas », dénonce-t-il.

Ali Justin  demande aux agents de la douane mobile d’être compréhensifs. « Il ne faut plus cracher sur nous ni nous doigter. Nous sommes en transition, il ne sert à rien de se créer de problèmes  », interpelle-t-il, appelant les personnes handicapées à être prudentes. « Il faut dénoncer les intrus à la police », instruit-il, exprimant son soulagement pour la reprise de leurs activités. « On part à Kousseri et on revient. On arrive à se prendre en charge. C’est un soulagement ! », se réjouit-il.