Le passage des frontières terrestres entre le Cameroun et le Tchad illustre parfaitement les défis du commerce transfrontalier en Afrique. Entre barrières tarifaires, rançonnements, procédures administratives à rallonge et restrictions non tarifaires, les délais peuvent s’étendre jusqu’à 3,2 jours pour franchir les postes frontaliers selon la Banque mondiale, particulièrement pour le transport des marchandises.

Le commerce entre ces deux pays souffre considérablement de la mauvaise qualité et de la faible densité des réseaux routiers, auxquelles s’ajoutent des contraintes frontalières particulièrement pesantes. La Banque mondiale, dans son rapport “Optimal Investments in Africa’s Road Network” publié en septembre 2024, souligne l’impact négatif des défaillances du corridor Douala-N’Djamena sur l’accès au marché tchadien.

Cette situation est d’autant plus préoccupante que le Tchad, pays enclavé, dépend à près de 80% du corridor camerounais pour ses importations. Les obstacles sont multiples : barrières réglementaires, délais administratifs interminables, coûts élevés des procédures transfrontalières, et racket policier systématique. Ces contraintes peuvent engendrer des coûts supplémentaires équivalant à ceux d’un voyage de 1043 kilomètres, soit environ 3,2 jours de trajet supplémentaires.

Cette situation impacte directement l’accessibilité des marchés d’écoulement et d’approvisionnement entre les deux pays, limitant ainsi les bénéfices potentiels de la Zone de libre échange continentale africaine (ZLECAf) en matière d’intégration régionale. La complexification des processus logistiques entraîne une explosion des coûts de transport, avec des tarifs au kilomètre pouvant atteindre le double de la moyenne internationale sur cet axe.

Les conséquences sont particulièrement lourdes pour l’économie tchadienne. Les retards et surcoûts se répercutent directement sur les prix des produits de première nécessité et la compétitivité des entreprises locales. Le rapport de la Banque mondiale précise que ces frictions entraînent des pertes d’accès au marché variant de 26% à 78% sur le corridor Cameroun-Tchad.

Face à ces défis, la Banque mondiale préconise la mise en place de postes à guichet unique entre les deux pays, regroupant l’ensemble des procédures nécessaires aux formalités d’entrée et de sortie. Cette approche vise à réduire les temps d’attente et les coûts de transport. L’exemple de l’Afrique de l’Est, qui présente le plus grand nombre de postes frontaliers à guichet unique et le niveau de commerce intra-régional le plus élevé du continent, pourrait servir de modèle.

Cependant, cette solution ne suffit pas à elle seule. D’autres obstacles persistent, notamment le manque de coordination entre les administrations camerounaises et tchadiennes, les divergences entre politiques commerciales et le déficit d’infrastructures routières. Un rapport de l’AFC (Africa Finance Corporation) révèle d’ailleurs que le réseau routier bitumé en Afrique ne représente que 1,5% du total mondial, une situation particulièrement visible sur l’axe Douala-N’Djamena.

L’amélioration des échanges entre le Cameroun et le Tchad nécessite une approche globale incluant la modernisation des infrastructures, l’harmonisation des procédures douanières et une volonté politique forte des deux pays. Sans ces changements structurels, le corridor continuera d’être un frein majeur au développement économique de la sous-région.