YAOUNDE, 25 avril (Xinhua) — Après quatre jours de travaux d’experts et une série de réunions thématiques, les ministres africains de l’éducation planchent vendredi à Yaoundé sur l’élaboration d’une stratégie de l’éducation et de la formation professionnelle en Afrique visant à doter leurs pays respectifs de systèmes éducatifs performants adaptés aux besoins de l’emploi, un des enjeux de leur réunion.

Sous le thème “Renaissance de l’Afrique à l’horizon 2063 à travers l’éducation”, la 6e session de la Conférence des ministres de l’éducation de l’Union africaine (COMEDAF VI) a ouvert ses portes par un appel du Premier ministre camerounais, Philemon Yang, à oeuvrer à promouvoir des systèmes éducatifs permettant à ” réduire la dépendance économique, scientifique et technologique” du continent noir.

C’est un propos qui témoigne de la volonté de combler les déficits dans le développement des compétences, une des principales causes du sous-développement de l’Afrique vécu par les populations comme une sorte de fatalité.

Or paradoxalement, le continent recèle d’immenses ressources naturelles commercialisées pour la plupart à l’état brut, soit sans la valeur ajoutée nécessaire pour créer des emplois et impulser un véritable décollage économique.

Faute de qualifications requises, chaque année pourtant, 7 à 10 millions de nouveaux demandeurs d’emploi arrivent sur un marché du travail caractérisé par un chômage élevé et une faible productivité, et qui compte par ailleurs un pourcentage élevé de jeunes ayant un emploi précaire, irrégulier et saisonnier, d’après une étude de l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique (ADEA).

TRANSFORMER LES RESSOURCES NATURELLES

Pour transformer ses abondantes ressources naturelles en richesses, comme le préconise le commissaire de l’Union africaine (UA) chargé des ressources humaines, de la science et de la technologie, Martial de Paul Ikounga, l’Afrique a besoin de former des millions de jeunes et d’adultes ayant notamment le potentiel d’exploiter ces ressources et d’apporter de la valeur ajoutée à l’intérieur de ses frontières pour stimuler les économies nationales, estime l’ADEA.

Les estimations situent à 500 millions de personnes sa population en âge de travailler (15-64 ans), soit environ la moitié de la population totale, un chiffre appelé à dépasser 1,1 milliard d’ici à 2040, à en croire les projections.

Près de 40% de la population totale, soit la proportion la plus élevée du monde, les jeunes (15-24 ans) représentent une part disproportionnée des chômeurs (60%) et 95 millions d’entre eux, femmes et hommes confondus, sont cités parmi les 200 millions d’analphabètes, de chômeurs et d’employés mal rémunérés sur le continent.

“Aucun pays n’a atteint le seuil de l’émergence avec un système éducatif déficient et inadapté”, a observé dans son allocution le Premier ministre camerounais. Relever ce défi signifie, aux yeux du commissaire de l’UA Martial de Paul Ikounga, à “créer une véritable coalition pour l’éducation en Afrique” avec en prime un dialogue social sur la qualité de l’enseignant.

Après l’élaboration d’un instrument similaire pour la science et la technologie récemment à Brazzaville au Congo, la 6e session de la Conférence des ministres africains de l’éducation devrait déboucher sur la formulation d’une stratégie africaine de l’éducation mettant l’accent sur la formation de “nouvelles compétences dotées de l’esprit d’entreprise, de l’esprit d’innovation”, a précisé le haut responsable africain.

C’est une ambition déjà matérialisée par la création et le début d’opérationnalisation depuis 2012 de l’Université panafricaine (UPA), présentée comme “un modèle de qualité et d’excellence pour les universités africaines”, destiné à produire des diplômés purement panafricains et multilingues, et qui ” cherche à démontrer sa pertinence à travers des liens avec le monde de l’emploi”.

PENURIE DE CENTRES DE RECHERCHE

L’objectif majeur de l’UPA consiste surtout à favoriser la production du savoir où la part de l’Afrique se situe à moins de 1% en comparaison au reste du monde, une situation due à une insuffisance chronique de financements pour la mise en place de centres de recherche dont la pénurie, associée à la faible proportion de chercheurs, expliquent en grande partie le manque d’innovation sur le continent, d’après les analyses menées par l’ADEA.

Selon cette association dotée du statut d’institution panafricaine auprès de l’UA, “l’Afrique ne comptait que 35 centres de recherche en 2006, soit 50 fois moins qu’en Europe. La répartition des chercheurs dans le monde est de 3% en Afrique contre 41% en Asie, 30% en Europe et 22% en Amérique du Nord”.

Les dirigeants de l’ADEA participent aux travaux de la conférence des ministres africains de l’éducation en marge desquels ils ont lancé jeudi deux séries de publications importantes pour le suivi et le développement des systèmes d’éducation et de formation africains : “Perspectives de l’éducation de l’Union africaine — 2014” et “Des connaissances, compétences et qualifications critiques pour un développement accéléré et durable de l’Afrique”.

Dans les faiblesses des systèmes éducatifs africains, l’association constate que 48% des enfants non scolarisés dans le monde vivent en Afrique, 47 millions d’enfants africains sont analphabètes et 10 millions abandonnent l’école chaque année. Alors que 66% des jeunes restent exclus du système d’éducation formelle après leur scolarité primaire et seulement 6% vont à l’université.

En dépit des données macroéconomiques prometteuses de certains pays, qui affichent un taux moyen de croissance annuelle de 5%, à l’exception de quelques cas notables comme le Sénégal qui affecte 8,2% de son budget de l’éducation, la part de l’enseignement et de la formation techniques et professionnels dans le budget national de l’éducation de la plupart des pays est inférieure à 2%.

L’UA a toutefois accéléré ces dernières années la mobilisation des ressources pour la promotion d’une éducation de qualité à accès généralisé en faveur des enfants du continent.

Par exemple, un fonds fiduciaire multi-bailleurs de 160 millions de dollars américains a été mis à disposition par la Banque africaine de développement (BAD) pour soutenir la coopération et l’excellence dans les domaines de la recherche appliquée et de l’innovation.

Sur les 2,4 milliards de dollars distribués par le Partenariat mondial (PME) porté par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) au cours des sept dernières années, entre 75 et 80% du financement a été accordé à l’Afrique.