Depuis sa création il y a deux ans, la Ligue tchadienne des droits des femmes mène des campagnes de sensibilisation et prend en charge les femmes victimes de violences basées sur le genre (VBG). Bien que des progrès aient été faits, sa présidente, Dionrang Épiphanie, interpelle les autorités compétentes à appliquer les lois réprimant les VBG.

Cette année, quel état des lieux de votre lutte contre les violences faites aux femmes ?

Cette année, malgré les dénonciations, malgré que les femmes arrivent à briser le silence, on constate au quotidien qu’il y a assez de cas de violences qui leur sont faits. On a enregistré plusieurs cas de féminicide et de viols sur mineure. Nous sommes en train de travailler pour avoir une base de données exacte de ces cas. Que ça soit dans les zones reculées, ou à N’Djamena, on travaille au quotidien pour cela.

Où est-ce que les femmes subissent le plus souvent les cas de violences ?

Beaucoup plus, ce sont des violences conjugales : les coups. Et aussi les cas de viols sur les mineurs. Ça peut être un voisin, un oncle. Il y a des jours où on rencontre trois à quatre cas. Il y en a où on rencontre plus de cinq cas uniquement à N’Djamena. C’est vraiment malheureux !

Peut-on avoir un chiffre sur ces cas ?

Non. Pas pour le moment. Nous avons un responsable plaidoyer qui y travaille pour nous faire sortir en fin d’année, tous les cas qu’on a eus.

Est-ce un pas, le fait que les femmes victimes des VBG brisent le silence ?

De ce côté, je crois que la situation évolue bien. Parce qu’il y a un moment où les femmes n’arrivaient pas à parler. Elles subissaient les violences sans en parler. Mais, de nos jours, on arrive à voir des femmes qui dénoncent et c’est encourageant. Même si au niveau de la justice, il reste le problème d’impunité des auteurs. Au niveau de la justice, rien n’est clair. Les lois ne sont pas appliquées.

Selon vous, pourquoi la justice n’est pas rendue aux victimes ?

Nous vivons dans un État compliqué. La base même est détruite. Même quand les gens manifestent, il y a assez de représailles. Au niveau de la justice, on a eu plusieurs cas où on a porté plainte. Mais, soit les bourreaux ont été arrêtés et un ou deux mois après, on les relâche. Soit parce qu’il y a des familles qui se découragent ou préfèrent des règlements à l’amiable. Parce qu’elles sont pauvres. Même pour constituer un dossier afin de porter plainte, il faut 50 mille. Imaginez une famille qui n’a pas cet argent ?

Quelles autres difficultés rencontrez-vous ?

Dans tout, il y a des obstacles. On peut pas dire qu’on est soutenu à 100%. Il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas ce que c’est qu’une violence. Nous vivons dans une société patriarcale où on pense que c’est normal ce que les femmes vivent. Faire changer les mentalités, c’est difficile. Il faut aussi que les femmes puissent être conscientes de cette situation. Certaines sont ignorantes. Il faut continuer à faire des témoignages. Il y a le numéro vert ( 1231) qui est là.

Comment les victimes sont-elles prises en charge ?

Il y a une prise en charge holistique ( psycho-social, médical, juridique) des victimes. Toutes les femmes défavorisées peuvent avoir cette prise en charge. On a un refuge qui est là et peut contenir les gens qui sont en danger pendant 48 h.

Un plaidoyer à faire ?

J’invite tout le monde à prendre au sérieux la question de la femme. Directement ou indirectement, tout le monde subit des violences. Tout ce que nous faisons, c’est pour avoir une société meilleure pour tous.