Les Etats-Unis critiquent la Chine et la Russie pour ne pas en avoir fait assez contre la traite des êtres humains, dans un rapport qui peut déclencher des sanctions américaines contre ces deux puissances avec qui les relations sont déjà tendues.

Ces deux pays, ainsi que l’Ouzbékistan, sont tombés au plus bas d’une classification dressée et publiée mercredi par le département d’Etat, alors qu’ils s’étaient engagés à lutter plus efficacement contre ce fléau. Pour le secrétaire d’Etat John Kerry, “nous avons une obligation morale de relever ce défi [car] la traite d’êtres humains est une attaque contre nos valeurs les plus chères comme la liberté et la dignité humaine”.

Le directeur du bureau au département d’Etat chargé de combattre la traite humaine, Luis C. de Baca, a nié qu’il y ait de “la politique derrière” ce panorama mondial. “Pour être promu, il ne faut pas être un pays important ou un allié. Il fautmontrer des résultats”, a-t-il insisté. Et, a martelé le diplomate, “les gens oublient que pour chaque cas [d’esclavage] il y a une personne”. Pour John Kerry, les“gouvernements sont les premiers responsables pour répondre à ces crimes”.

PÉKIN ET LES MIGRANTS INTÉRIEURS

Dans le cas de Pékin, bête noire de Washington sur les droits de l’homme, le rapport met au jour “une traite importante parmi la population migrante à l’intérieur de la Chine”, ainsi que la poursuite du “travail forcé, notamment dans des fours à briques, mines de charbon et usines”.

En outre, la politique de l’enfant unique a conduit à un “ratio de 118 garçons pour 100 filles, lesquelles alimentent une demande pour le trafic de femmes étrangères se mariant avec des hommes chinois et pour la prostitution”, dénonce le département d’Etat. Non seulement Pékin, souligne le rapport, “n’a pas montré d’efforts significatifs pour interdire complètement et punir toute forme de traite”, mais de plus “la Chine est devenue le centre mondial de la traite humaine pour le monde du travail et l’industrie du sexe”, accuse l’élu démocrate Chris Smith.

“Nous croyons que la partie américaine devrait adopter une vue objective et impartiale à l’égard des efforts de la Chine [pour faire cesser la traite] et cesserd’émettre des jugements unilatéraux et arbitraires sur la Chine”, a déclaré la porte-parole de la diplomatie chinoise, Mme Hua Chunying, lors d’un point de presse quotidien.

NON PAIEMENT DE SALAIRES EN RUSSIE

Quant à la Russie, avec laquelle les Etats-Unis multiplient les frictions sur les droits de l’homme et les libertés publiques, un million de personnes “sont dans une situation professionnelle d’exploitation caractéristique des affaires de traite”. Le rapport dénonce ainsi des cas de “non-paiement de salaires, d’agressions physiques, de conditions de vie extrêmement mauvaises”.

Le ministère des affaires étrangères russe a fait part de son mécontentement“En ce qui concerne la possibilité de prendre des sanctions unilatérales contre la Russie (…), le fait même de soulever cette question provoque l’indignation”, a déclaré le ministère des affaires étrangères dans un communiqué.

RISQUES DE SANCTIONS AMÉRICAINES

En Ouzbékistan voisin, certes le nombre d’enfants de moins de 15 ans contraints de travailler lors de la récolte annuelle de coton a baissé, mais “des enfants plus âgés et des adultes sont encore victimes de travaux forcés”.

Selon la législation américaine, la relégation de ces pays en bas de classement peut déclencher des coupes dans l’aide américaine non humanitaire et non commerciale. Le président Barack Obama décidera en septembre s’il prend de telles sanctions. Ces menaces sont aussi un message adressé aux Etats placés cette année sur une “liste de surveillance” et qui pourraient bien être rétrogradés au dernier échelon en 2014 s’ils n’en font pas plus contre la traite humaine. Parmi ces pays figurent l’Afghanistan, la Malaisie, la Thaïlande, les Maldives ou le Tchad.

Au contraire, trois Etats – l’Azerbaïdjan, l’Irak et le Congo – ont été rehaussés par Washington au vu d’un “vrai mouvement” de leur part dans leur combat contre la traite des êtres humains et l’esclavage. Les Etats-Unis estiment qu’il reste 27 millions de personnes réduites en esclavage dans le monde.

Source: LeMonde