Entre manque d’argent et d’équipement et besoins de formation, les pays africains ont de sérieuses difficultés à déployer des troupes au Mali et n’apparaissent pas en mesure de prendre à court terme le relais des soldats français et maliens face aux groupes islamistes.

Pendant que les militaires de Paris et Bamako remontent progressivement vers le Nord malien depuis le début le 11 janvier des bombardements français sur les positions djihadistes, les troupes africaines arrivent au compte-gouttes dans la capitale malienne.

Entre 500 et 700 soldats ouest-africains s’y trouvent désormais. Au total, la sous-région doit déployer autour de 4000 hommes au sein de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA), et le Tchad, qui agira en coordination avec la force sans en faire partie, 2000 militaires.

Côté français, certains s’étranglent devant la lenteur du déploiement des troupes d’Afrique de l’Ouest. «Pourtant cela faisait des mois que les états-majors se préparaient à une opération au Mali», peste une source sécuritaire française dans la région, interrogée par l’AFP.

Mais les gouvernements africains invoquent d’abord des problèmes financiers.

Le dernier sommet de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CÉDÉAO), le 19 janvier à Abidjan, «a buté sur les questions d’argent», raconte un diplomate de l’Union africaine (UA) qui y assistait.

«Les Occidentaux veulent que les forces soient déployées d’abord. Les Africains leur ont dit : “nos forces sont prêtes, mais qui va payer les salaires, la nourriture, le transport?”», explique-t-il.

Qui va payer ?

Tous les espoirs sont désormais placés dans la conférence des donateurs du 29 janvier à Addis Abeba, sous l’égide de l’UA, et la réunion internationale prévue par l’Union européenne le 5 février à Bruxelles.

Les Européens «vont certainement financer une grande partie de cette guerre», juge Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) responsable de l’Afrique.

En terme de rapidité de déploiement, les pays de la région «ne peuvent pas faire mieux que ça», plaide le ministre ivoirien délégué à la Défense, Paul Koffi Koffi. «En un mois on devrait avoir déployé l’essentiel de la MISMA», assure-t-il.

Selon un diplomate de la CÉDÉAO, l’idée est d’engager sur le terrain à brève échéance «au moins 800» soldats africains.

Mais la logistique reste un sérieux obstacle. «Même si l’argent était disponible tout de suite, les armées n’ont souvent pas le matériel requis. Donc il faut passer commande et ça peut traîner», fait valoir une source gouvernementale burkinabée.

Transport des troupes, ou encore armement : la plupart des armées africaines appelées au Mali souffrent des mêmes carences. Cependant plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis, ont promis de l’aide, notamment des avions et du carburant.

Enfin, des formations sont nécessaires pour l’armée malienne comme pour certains contingents, comme le bataillon logistique de 500 hommes promis par Abidjan. La logistique n’étant pas le fort de l’armée ivoirienne, selon des experts, cette formation s’avère cruciale et devrait être dispensée par des soldats français.

Dans ces conditions, l’espoir de Paris de passer le plus vite possible le «relais» aux troupes africaines devrait encore tarder à se concrétiser.

«À priori, il ne devrait pas y avoir d’engagement des Africains dans la phase offensive, sauf peut-être les Tchadiens», les plus aguerris aux combats dans le désert, prédit la source au sein de l’UA.

«L’idéal, ce serait que d’ici 15 jours il y ait une présence africaine» sur le théâtre d’opérations, estime Ahmedou Ould Abdallah, diplomate mauritanien et ancien haut représentant de l’ONU dans plusieurs pays du continent.

Mais, selon lui, les soldats africains devraient essentiellement se charger de «sécuriser» les zones d’où les Français et les Maliens auront déjà chassé le gros des combattants islamistes.

Source  Lapresse.ca