Son épouse a annoncé sa contamination à la Covid-19. Finalement, Hissène Habré en est décédé ce mardi 24 août 2021 à Dakar au Sénégal. Retour sur la vie de celui qui a dirigé le Tchad d’une main de fer pendant 8 ans, de 1982-1990.

Hissène Habré est né le 13 août 1942 à Faya au nord du Tchad. Il grandit dans le désert du Djourab, au milieu des bergers nomades. Il fut un élève intelligent, admiré de ses instituteurs. Après l’indépendance, la politique d’africanisation des postes occupés par des Français fait que le président Tombalbaye le nomme sous-préfet de Moussoro. Mais, il décide de continuer à étudier et s’en va en France. Il fait des études politiques et en droit. Il lit également beaucoup d’œuvres révolutionnaires (Frantz Fanon, Che Guevara, etc).

Dans le Frolinat

Après ses études en France, HH rentre au Tchad en 1972 . Il rejoint le Front de libération nationale du Tchad (Frolinat).

Il commence à se faire connaitre au monde à travers « l’affaire Claustre ». En effet, en avril 1974, dans la région du Tibesti, des rebelles qu’il commande enlèvent un médecin allemand (libéré en 1975 contre paiement de rançon), un coopérant français Marc Combe (il réussit à s’échapper) et l’archéologue Françoise Claustre qui sera libérée le 1er février 1977 en même temps que son mari Pierre Claustre, lui-même enlevé le 26 août 1975. Hissène Habré est tenu pour responsable de l’exécution le 4 avril 1975 du commandant Galopin, envoyé par le gouvernement français pour négocier la libération des otages.

Premier ministre puis président de la République

Après des accords, Hissène Habré est nommé Premier ministre le 29 août 1978 par le président Félix Malloum. Mais la collaboration sera de courte durée avec le déclenchement de la fameuse guerre du 12 février 1979.

Hissène Habré qui s’était retiré de N’Djamena met en place le Conseil de commandement des forces armées du Nord (CCFAN), devenu Forces armées du Nord (FAN). A la tête de ses forces, il chasse du pouvoir Goukouni Weddeye le 7 juin 1982. Le poste de Premier ministre est supprimé le 19 juin. Habré transforme les FAN en armée régulière, les Forces armées nationales tchadiennes (FANT), puis crée la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), la police politique responsable de nombreux enlèvements et d’assassinats politiques.

Un long conflit a opposé le Tchad à la Libye, soutien du Gouvernement d’union nationale de transition (GUNT), de Goukouni Weddeye. Mais avec l’appui des Etats-Unis et de la France, Habré réussit à infliger la défaite aux forces libyennes qui occupaient la bande d’Aouzou.  Un cessez-le-feu a été signé en septembre 1987, et les relations diplomatiques entre la Libye et le Tchad ont été rétablies en octobre 1988.

Chute et ennuis judiciaires

Hissène Habré qui comptait sur le soutien des Etats-Unis a décidé de tourner le dos à la France. Il était l’un des rares chefs d’Etat à s’opposer ouvertement à la démocratie que la France a voulu imposée aux pays africains avec le discours de la Baule de François Mitterrand. La France l’abandonne donc et soutient Idriss Déby qui le renverse le 1er décembre 1990. HH s’exile au Sénégal .

Une commission d’enquête créée au Tchad impute à Hissène Habré la mort de 40 000 personnes pendant les huit ans de son règne.

Des poursuites sont engagées contre lui en Belgique en application de la loi de compétence universelle . Un mandat d’arrêt international , assorti d’une demande d’arrestation immédiate, est délivré par la justice belge le 19 septembre 2005 et transmis aux autorités sénégalaises. Après son arrestation le 15 novembre et une garde à vue de quelques jours, Hissène Habré est relâché, la justice sénégalaise s’étant finalement déclarée incompétente et l’affaire portée au niveau de l’Union africaine (UA).

En juillet 2006 , le Sénégal est mandaté par l’UA pour juger Hissène Habré pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture . Le Sénégal a alors engagé des réformes législatives et adopté un amendement constitutionnel afin de juger l’ancien président tchadien. Les autorités sénégalaises ont cependant suspendu leur action judiciaire en exigeant la prise en charge totale, par la communauté internationale en général et à l’Union africaine en particulier, des plus de 17 milliards de francs CFA qu’il faut pour ce procès.

Entretemps, en août 2008, l’ancien président est condamné à mort par contumace pour crimes contre l’humanité à N’Djamena .

Le 30 juin 2013, il est placé en garde à vue à Dakar dans le cadre d’une enquête ouverte par les Chambres africaines extraordinaires (CAE), juridiction spéciale créée par le Sénégal et l’Union africaine.

Son jugement et condamnation

Hissène Habré est jugé à partir du 20 juillet 2015, à Dakar. Le 30 mai 2016 , il est reconnu coupable de crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvements. Les CAE le condamnent en première instance à la prison à perpétuité. Le 29 juillet 2016 s’ajoute à cette peine une condamnation à verser entre 10 et 20 millions de francs CFA par victime.

Hissène Habré ayant interjeté appel, le procès en appel commence le 9 janvier 2017. Le 27 avril 2017, les Chambres extraordinaires africaines annoncent le maintien de la condamnation à la prison à perpétuité, peine qu’il purgera au Sénégal ou dans un autre pays de l’Union africaine. En outre, la Chambre d’appel fixe le montant des dommages que Hissène Habré devra verser à 82 milliards 290 millions de francs CFA.

Son conseil, se fondant sur des risques pour sa santé en raison de la Covid-19 et de son âge avancé, demande sa libération temporaire. Hissène Habré est donc placé le 7 avril 2020 en résidence surveillée pour 60 jours. Il retourne en prison le 7 juin 2020. En avril 2021, son avocat demande encore une libération compte tenu de sa santé précaire mais la justice sénégalaise la rejette.

Finalement, celui qui était aussi appelé le lion de l’UNIR (le parti qu’il a fondé), décède de suite de la Covid-19 ce mardi 24 août 2021. Il avait 79 ans.