Au Tchad, la rentrée universitaire 2017-2018 a été lancée au début de la semaine par le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Mackaye Hassan Taïsso. Mais dans la douzaine d’universités et d’instituts universitaires publics que compte le pays, les mêmes problèmes subsistent.

La nouvelle année académique commence enfin (du moins théoriquement) après moult hésitations dues au retard accusé dans le paiement des arriérés des bourses des étudiants ou de divers émoluments des enseignants-chercheurs. Les étudiants, enseignants et chercheurs doivent reprendre le chemin des amphithéâtres et des laboratoires. La veille, Mackaye Hassan Taïsso a exhorté “le couple enseignants-étudiants et les autres partenaires à redoubler d’efforts pour cette cause juste et noble”, “car il ne sert à rien et cela ne profite à personne d’opérer dans les troubles et les perturbations”.

Le président national de l’Union nationale des étudiants tchadiens (UNET), Guelem Richard, est sorti de sa réserve dimanche après-midi pour appeler ses camarades à reprendre les cours. “Pour que cette rentrée soit effective dans toutes les institutions d’enseignement supérieur du Tchad, il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités en améliorant les structures d’accueil, le transport, la restauration et en payant les arriérés de bourses conformément à la promesse faite par le Premier ministre”, a-t-il déclaré.

Au cours d’une réunion tenue dans ses bureaux le 9 octobre et élargie aux étudiants, enseignants et responsables ministériels, le chef du gouvernement, Pahimi Padacké Albert avait en effet promis que deux mois de bourses seront payés dans les brefs délais.

Cependant, un grain de sable risque de bloquer la machine à peine lancée. En lançant la nouvelle année, le ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé que “les inscriptions sont payantes désormais pour tous les niveaux d’études dans les universités du Tchad comme c’est le cas dans les autres pays de la zone CEMAC”. “Les taux d’inscription seront harmonisés dans le respect des directives de la CEMAC”, a-t-il précisé.

Cette nouveauté n’est pas du goût des étudiants qui la dénoncent sur les réseaux sociaux du pays. “Le bureau national de l’UNET demande au gouvernement de revoir sa décision afin d’éviter toutes perturbations dans le milieu universitaire”, a prévenu Guelem Richard.

Vendredi dernier, dans la ville de Doba, la ville pétrolifère du sud du pays, les premières “perturbations” ont été observées. Quelques étudiants ont été arrêtés par la police, pour avoir manifesté pacifiquement contre la décision de l’administration de l’université leur imposant le paiement des frais de scolarité aux étudiants des 2ème et 3ème années. Ceux-ci, contrairement aux étudiants des 1ères années, avaient été toujours été exemptés; du moins, ils recevaient en début d’année un mois de bourse qui leur permettait de payer ces frais et quelques équipements.

Mais le gouvernement avait décidé, il y a une année, de supprimer les bourses des étudiants et de geler les primes et indemnités des enseignants. Cette double décision fait partie des “16 mesures d’urgence” prises pour faire face à la crise financière et économique qui frappe le pays.

“L’octroi de la bourse mensuelle de 30.000 francs CFA par étudiant bénéficiaire, n’a pas lieu d’être puisque les étudiants bénéficient des bus pour se rendre dans les facultés et ont aussi la restauration qui est prise en charge”, avait expliqué Mackaye Hassan Taïsso, jugeant que la bourse est “source d’iniquité sociale” (seuls 18.000 étudiants, sur les 55.000 que compte le pays, en bénéficient). Pour le gouvernement, le budget de la bourse qui s’élève à 6,4 milliards de francs CFA par an sera affecté progressivement au Centre national des œuvres universitaires (CNOU).

Dans les universités tchadiennes, les conditions d’études actuelles restent à déplorer: des bus de transport hors d’usage, une restauration irrégulière, une absence de logements, des bibliothèques et laboratoires inexistants ou mal équipés, etc.

Du côté des enseignants, les problèmes sont aussi nombreux, objets de grèves répétitives. En 2013, le gouvernement et le Syndicat national des enseignants et chercheurs du supérieur (SYNECS) avaient signé un protocole d’accord instituant une trêve contre la prise en compte des revendications des enseignants: revalorisation des primes et indemnités, attribution des terrains et logements sociaux, application du statut autonome des enseignants et chercheurs du supérieur, etc. Mais quatre ans après, le gouvernement peine à exécuter sa part de l’accord. Ce qui pousse les enseignants à observer régulièrement des grèves.

Par ailleurs, les enseignants vacataires accumulent plusieurs mois d’arriérés de salaires. Sans compter le gel des primes et indemnités, une mesure qualifiée d'”antisociale, impopulaire et irréfléchie” dont le SYNECS réclame en vain l’annulation.

Avec tous ces problèmes, le rêve de Mackaye Hassan Taïsso de “voir la quiétude régner dans le milieu du supérieur”, risque d’être brisé une nouvelle fois.