Le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ont entrepris avec l’appui du gouvernement tchadien un profilage socioéconomique et professionnel des réfugiés vivant dans ce pays. Les résultats de cet exercice, présentés mardi à N’Djaména, permettront de leur construire une autosuffisance et favoriser leur résilience.

Le pays accueille sur son territoire plus de 410.710 réfugiés et demandeurs d’asile. Ce sont 323.647 Soudanais installés depuis 2003 dans l’est du pays, 76.692 Centrafricains localisés dans les camps au sud et 9.312 Nigérians dans la région du lac Tchad. La population des réfugiés et des demandeurs d’asile est composée de 57% d’enfants et de 56% de femmes.

Par ailleurs, 174.204 déplacés internes vivent dans la région du Lac en raison des activités de la secte terroriste nigériane Boko Haram.

Enfin, 16.718 Tchadiens rapatriés de Centrafrique à cause des violences sociopolitiques de ces dernières années vivent dans des camps à N’Djaména, et dans le sud.

Ce sont donc au total plus de 600.000 personnes concernées par le HCR, ce qui fait du Tchad le 12e plus grand pays hôte pour les réfugiés dans le monde et le sixième en Afrique.

“Les tensions récurrentes en République centrafricaine, au Darfour (Soudan) et au Nigeria écartent, dans le court et moyen terme, la perspective de leur retour vers leurs pays d’origine, pour un grand nombre de réfugiés, malgré les évolutions positives dont la signature récente de l’accord tripartite entre les gouvernement du Tchad et du Soudan et le HCR”, a noté Mbili Ambaoumba, représentant résident du HCR au Tchad

Par ailleurs, devant la réduction continue ces dernières années des financements pour les opérations en faveur des réfugiés au Tchad, la communauté humanitaire peine actuellement à maintenir le même niveau d’assistance qu’auparavant.

Face à cette situation, le PAM et le HCR ont décidé d’adopter une approche stratégique visant à fournir une assistance multisectorielle ciblée et basée sur les vulnérabilités et les besoins réels de chaque ménage réfugié de longue durée.

Le profilage socioéconomique et professionnel des réfugiés mené en juin et juillet derniers au Tchad a permis de mettre à jour et de compléter les données issues d’une opération similaire réalisée en 2014 et 2015 dans certains camps de réfugiés du sud et du sud-est du pays. Au total, 87.725 ménages ont répondu à un questionnaire et des informations individuelles ont été collectées auprès de 356.684 personnes.

Les résultats indiquent la persistance de vulnérabilités structurelles : plus de 60% des réfugiés ont moins de 20 ans, plus de deux tiers des ménages de réfugiés sont menés par des femmes, 28% des enfants de 6 à 14 ans ne vont pas à l’ école et 20% des foyers ont des personnes avec des besoins spécifiques (mineurs non accompagnés et personnes âgées notamment).

Il convient cependant de signaler que des membres de plus de la moitié des ménages de réfugiés mènent déjà des activités économiques (agriculture, élevage commerce) grâce à leurs propres efforts ou à travers les appuis mis en place par les acteurs humanitaires. L’enquête indique que les réfugiés souhaitent s’engager dans l’agriculture, le petit commerce, l’élevage et les services du secteur informel et souhaitent avoir des appuis dans ce sens.

“Ces données démontrent la nécessité de continuer l’assistance humanitaire (…), tout en favorisant la voie vers l’autosuffisance. Des approches parallèles, des investissements parallèles et des ressources sont requis pour réaliser cet objectif qui prend du temps à atteindre”, a indiqué Mary Ellen McGroarty, directrice du PAM au Tchad.

“Si, à court terme, l’assistance humanitaire alimentaire et non alimentaire doit se poursuivre pour les plus vulnérables, il s’agit à terme de créer les conditions favorables à une autonomisation des ménages réfugiés qui choisiront de rester sur le territoire tchadien et qui possèdent les atouts pour évoluer vers une telle autosuffisance”, a renchéri M. Ambaoumba en exhortant les acteurs humanitaires à harmoniser leurs stratégies d’aide.

A l’instar du PAM et du HCR, d’autres donateurs étudient des programmes avec le Tchad et les Nations Unies pour mettre en œuvre des solutions durables. C’est notamment le cas de la Banque mondiale qui a publié la semaine dernière un rapport intitulé “Les réfugiés du Sahel, le visage humain d’une crise régionale”.

Elle a prévu 2 milliards de dollars pour renforcer les capacités du gouvernement, accroître les débouchés économiques dans les régions d’accueil tant pour les réfugiés que les communautés locales et améliorer la fourniture des services de base (santé, éducation et eau) dans les pays de la zone sahélienne.