Le Tchad connaît une recrudescence du paludisme favorisée par l’hivernage. Du 3 janvier au 3 septembre 2016, 833.628 cas suspects ont été enregistrés sur l’ensemble du pays, avec 1.302 décès, soit un taux de létalité de 0,16%, selon des données fournies par le Service de surveillance épidémiologique intégré (SSEI).

L’année dernière, sur la même période, c’était 657.471 cas pour 826 morts seulement (0,13% de létalité). On n’est donc pas loin de la flambée de 2013 : un million de cas et 3.000 décès, surtout chez les enfants de moins de cinq ans (175 cas pour 1.000).

“Le paludisme constitue plus de 27% des motifs de consultation dans les formations sanitaires et autours de 17% des décès qui surviennent dans les hôpitaux et centres de santé. Nous remarquons qu’il y a une augmentation d’un peu plus de 15% cette année”, a déclaré Dr Kérah Hinzoumbé Clément, coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP).

N’Djaména, mais aussi les villes de Goré et de Moïssala, au sud du pays, sont les plus touchées. Les différentes structures sanitaires de la capitale sont submergées; des salles d’hospitalisation pleines à craquer, certains patients sont même accueillis dans les couloirs.

C’est le cas de l’hôpital de l’Union, communément appelé “Hôpital américain” (parce que jouxtant l’Ambassade des États-Unis en construction) qui couvre le district sud de N’Djaména avec une population de plus de 540.000 habitants répartie dans des quartiers plus ou moins envahis par les eaux de pluies.

Pour le seul mois d’août, cet hôpital a enregistré 899 cas de paludisme dont 302 en consultation de référence, 564 en urgence médicale et 36 en consultation gynécologique, selon son médecin-chef, Dr Baroua Haroun Seid.

“Nous déplorons une vingtaine de cas de décès liés au paludisme. Parce que lorsque les personnes sont hospitalisées pour une autre maladie, les gardes malades finissent par attraper le paludisme à cause des eaux stagnantes ou des herbes qui sont légion dans et tout autour de l’hôpital”, a expliqué le médecin.

Le paludisme, maladie liée l’environnement, est transmis par les moustiques. Sa période de transmission dure six mois et englobe l’hivernage (entre mai et octobre). Sa recrudescence est due au fait que les pluies qui ont débuté un peu tôt cette année sont abondantes et régulières.

L’autre cause de persistance du paludisme est le manque de civisme de la population. A cela s’ajoute le manque d’efficacité des services d’assainissement. La capitale tchadienne est devenue une gigantesque poubelle à ciel ouvert. Des rues envahies par des immondices, des espaces publics transformés en dépotoirs, les devantures des habitations qui étouffent sous le poids des ordures. Autant de terreaux fertiles pour le paludisme, mais également pour le choléra et la fièvre typhoïde.

Face à l’ampleur du désastre, les différentes communes semblent dépassées. Si certaines évoquent un manque de moyens techniques et financiers, d’autres justifient leur impuissance par l’accès difficile de la plupart des quartiers en cette saison des pluies.

Le paludisme prédomine sur la quasi-totalité du Tchad, avec une forte prévalence dans les zones au sud, au centre et à l’est. Les analyses épidémiologiques ont mis en évidence que 98% de la population vivent dans des zones à risque. Selon l’Enquête sur les indicateurs du paludisme de 2010, la prévalence du paludisme est de 29,8% au Tchad. Cependant, cette prévalence varie selon les tranches d’âge : 35,8% chez les enfants de moins de cinq ans, 39,3% chez les enfants entre cinq à 14 ans et 15,2% chez les enfants plus de 15 ans.

Pour faire face de manière efficace à ce “problème majeur de santé publique”, le gouvernement tchadien a adopté, en mars 2014, un ambitieux Plan national stratégique de lutte pour les cinq prochaines années. Il s’agit d’un programme de 120 milliards de F CFA (240 millions de dollars) qui prévoit trois axes stratégiques, à savoir la prévention, la prise en charge et les activités d’appui. Toutes ces actions doivent permettre de réduire de 30%, d’ici fin 2016, la morbidité liée au paludisme par rapport à son niveau de 2013, avec une réduction supplémentaire de 20% entre 2017 et 2018.

Depuis 2011, le Tchad a pourtant amélioré nettement sa couverture sanitaire. Début août, le ministère de la Santé publique a lancé une campagne de chimio-prévention du paludisme saisonnier. Initiée par le PNLP, cette campagne consistait à donner aux enfants âgés de trois à 59 mois, un traitement complet afin de réduire considérablement la morbidité et la mortalité liée au paludisme chez cette tranche d’âge.