REPORTAGE – Englouti dans le 3ème arrondissement de N’Djamena, le quartier Kabalaye est réputé pour ses prostituées. Dans ce coin animé de la capitale tchadienne, la prostitution est un business comme un autre, et est devenue monnaie courante dans un pays où la sexualité reste un tabou.

Le rituel est toujours le même, comme une rengaine du sexe. Dès la nuit tombée, certains hommes prennent d’assaut ce quartier aux ruelles exiguës, en quête du fruit défendu. Non loin des bars, les prostituées sont posées à l’entrée de fins des couloirs menant vers des chambres de passe. Les jeunes filles aux décolletés aguichent les clients à coup de clins d’œil suggestifs. Et curieusement, c’est sans gène que le prix d’un instant de plaisir se négocie dans une capitale où la sexualité reste un tabou du fait des pesanteurs religieuses et traditionnelles.

« On peut s’arranger même à 3 000 FCFA », lance l’une d’elles en robe ultra-moulante. Sous son sobriquet de Jolie, elle nous confie qu’elle accepte entre cinq à neuf clients par jour. « Un bon payeur peut verser facilement 15.000 à 20.000 FCFA », confie la jeune femme originaire du Cameroun. Largement suffisant pour qu’elle s’acquitte de sa cotisation journalière de tontine et d’épargne. Ainsi, Jolie paye mensuellement 20.000 FCFA pour son loyer et envoie environ 100.000 FCFA à sa famille.

Quartier hautement sécurisé

Selon les observateurs, le côté paisible et cosmopolite de Kabalaye est le facteur principal de la prolifération de la prostitution. Ce quartier compte plusieurs personnes venant des pays de la sous-région. La plupart, des Camerounaises, des Centrafricaines venues dans l’espoir de faire fortune. Pour ça, elles estiment ne pas avoir le choix et pratiquent le plus vieux métier du monde.

Mais la prostitution est interdite au Tchad. Alors, des agents de sécurité font souvent irruption dans ces couloirs du sexe. Objectif : prendre des clients en flagrant délit. En cascade, les prostituées et leurs clients peuvent être embarqués pour « racolage ». Chacun s’acquitte alors de la somme informelle de 2 000 FCFA pour repartir libre. Aussitôt l’ambiance reprend dans le quartier. « C’est une manne intarissable pour eux. Quotidiennement, ils ne se lassent pas sur le moyen pour descendre dans ces couloirs, comme s’ils veulent mettre fin à la prostitution de ce quartier », murmure une passante.

« Les filles payent régulièrement »

Derrière ce business du sexe, les bailleurs des chambres ne sont pas en reste. Ils préfèrent louer leur maison à ces prostituées qu’aux nationaux. « Les filles payent régulièrement et deux fois plus cher qu’un Tchadien », confie l’un d’eux.

Mais impossible de passer sous silence les effets pervers de la prostitution. Insécurité, mauvais payeurs, violences, maladies… Les effets néfastes de la prostitution sont nombreux. Sans compter les plaintes familiales : « Je sais que mes enfants grandissent en voyant des filles très peu vêtues. C’est mauvais pour leur éducation », peste une maman.