Le débat suscité par les députés Béral Mbaïkoubou et Gali Ngothé Gatta sur les querelles politiques à travers leurs articles à N’Djaména Hebdo mérite bien qu’on s’y attarde, même si cela ne restera que dans le cadre des idées, comme d’habitude. Selon le député Gali (N’Djaména Hebdo n° 1500), “en cette période de grande confusion politique, où tous les repères d’une bonne lecture de la situation nationale sont effacés, l’écrit du député Béral Mbaïkoubou semble n’émouvoir personne. Il dénonçait “l’érection de nos petites personnes en démiurges politiques tout aussi incontournables qu’indispensables” ainsi que “les artisans de l’émiettement (politique), ceux qui veulent monopoliser le titre d’opposant, se posent incontestablement en alliés objectifs et privilégiés du régime actuel” , Le premier semble fustiger les “grands” opposants imbus de leur personnalité en faisant pratiquement carrière dans la contestation hypocrite. Le second dénonce la légèreté des jeunes leaders politiques qui se préoccupent uniquement des avantages matériels et sociaux liés au positionnement politique. L’un et l’autre disent vrai. Mais ce n’est pas ce qui nous intéresse, nous autres citoyens lambda en ce moment. Il y a des cadres assez compétents et honnêtes qui aimeraient bien mettre leurs connaissances au service de leur pays dans un cadre politique bien sérieux et organisé. Malheureusement, ce qui se fait en ce moment dans notre pays et dans beaucoup d’autres pays africains d’ailleurs, n’est pas de la politique. Assez de militants politiques ne sont que des agitateurs, agissant par imitation plutôt que comme des gens politiquement encadrés. Les pratiques politiques sont les mêmes depuis les années d’indépendance nationale, malgré l’évolution des mentalités. Il n’y a pas d’université d’été pour les partis. Il n’y a que des congrès pour certains qui rassemblent leurs sympathisants pour renouveler leur mandat de président-fondateur. D’autres n’ont jamais organisé de congrès, mais réclament l’alternance au sommet de l’Etat: légitime, mais pas logique. Il est vraisemblable que les partis politiques se sont émiettés pour des questions de leadership. On se rappelle au début des années 90 que beaucoup de cadres de valeur étaient ensemble dans des formations politiques au Tchad. S’ils se rendent compte maintenant qu’ils se sont trompés en se séparant, normalement ils doivent se refusionner pour former des ensembles politiques de même idéologie, comme cela se fait dans les grandes Nations démocratiques. Ainsi, ils pourront être rejoints par des cadres selon leur sensibilité politique. Au lieu de passer leur temps à critiquer de façon disparate et monotone le parti au pouvoir ce qui ne requiert pas un talent particulier pour le faire les chefs de parti pourraient encadrer les militants dans un programme clair, détaillé et stimulant. Ce sera une garantie de stabilité politique pour l’avenir. Une formation politique solide qui réfléchit et agit en groupe dans un projet de société agréé par la majorité des Tchadiens ne peut être ébranlée ni par les manœuvres politiciennes, ni par les querelles de chef. C’est cet exemple qui reste à donner aux jeunes générations qui sont en quête de repères. Or ce qui se passe, ce sont des regroupements circonstanciels qui se font et se défont au gré de chefs qui acceptent ou non de collaborer. Et c’est cela qui a mis mal à l’aise les jeunes militants qui ont cru bon de créer leur propre parti (en plus du désir de bénéficier des subventions allouées aux partis politiques). Ce qui veut dire que l’appel à l’union des forces, s’il n’est pas suivi d’actes conséquents de la part des leaders politiques charismatiques, n’attire plus l’attention des gens. Beaucoup de Tchadiens sont dégoûtés de la politiques, non pas à cause de la pression qu’actionnent les gouvernants, mais surtout à cause des comportements décevants des hommes politiques de tous bords. Décidément, au Tchad, on a plus peur de la paix que de la guerre. Comme si la paix empêcherait certains de mieux profiter des avantages du pouvoir. S’il est vrai que, comme dirait Desmond Tutu, “dans des situations d’injustices, être neutre, c’est choisir le parti de l’oppresseur”, les Tchadiens ont choisi d’être opprimés plutôt que de suivre des gens qui ne leur proposent pas mieux. Ce n’est bien sûr pas une solution, mais le Tchad donne l’impression d’être une impasse politique. Tout le monde au pays a fini par conclure que le changement ne sera provoqué, il viendra de lui- même. Mais qu’on se rassure, ce ne sera pas pour demain. Il y a des gens qui savent sur quelles fibres actionner pour maintenir leur influence, aussi longtemps qu’ils le voudront. A l’état actuel des mentalités, le changement d’où qu’il vienne sera toujours “orienté”. Plaignons-nous à nous-mêmes. Inutile de nous rejeter la responsabilité. Ceux qui ne se battent pas collective – ment subissent ensemble.

Laring Baou

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