N’DJAMENA, 28 novembre (Xinhua) — Des milliers de Tchadiens, de tous âges et de toutes confessions religieuses, se sont rassemblées vendredi à la Place de la Nation, au coeur de N’Djamena, pour une grande prière oecuménique en faveur de la paix et de l’unité de la nation tchadienne.

La Place de la Nation, érigée en face de la Cathédrale de N’ Djaména et du Palais rose, siège de la présidence, a de la peine à contenir tous ces hommes, femmes et enfants sortis massivement, malgré un temps froid et sec en ce jour d’hiver.

Le président Déby Itno et son épouse, le gouvernement au grand complet, des députés, des représentants des corps diplomatiques et organisations internationales et des milliers de laïcs et d’ anonymes.

Des leaders religieux venus du Cameroun, du Mali, de la République centrafricaine, du Soudan et de la France se sont joints à eux.

Jeudi, au cours d’une conférence régionale, ils ont échangé avec leurs frères tchadiens leurs expériences respectives en matière de paix et de cohabitation pacifique, et planché sur les défis de l’édification d’une paix durable en Afrique face à l’ intégrisme religieux.

“Prendre des armes pour persécuter, violer, tuer au nom de Dieu, c’est déclarer que Dieu est impuissant ou incapable”, a déclaré le pasteur Souina Potifar, secrétaire général de l’Entente des églises et missions évangéliques au Tchad (EEMET).

Le leader protestant a exhorté tous les Tchadiens à “tirer les leçons de [leur] passé ensemble”, à “croire en l’avenir” et à ” avancer dans l’unité, la quiétude et la confiance mutuelle”.

Le président du Conseil supérieur des affaires islamiques du Tchad, cheikh Hassan Hissein Abakar, a réaffirmé que l’islam est une religion de tolérance et de paix, et que toutes ces personnes qui font du mal et se réclament musulmans ne sont vraiment pas.

“Partout dans le monde, et particulièrement dans certains pays d’Afrique, l’on tue au nom de la religion et c’est absolument contre les prescriptions divines”, a-t-il déploré.

Il a rappelé l’obligation des chefs religieux de prêcher le message de paix, de la cohabitation pacifique, de la tolérance et de l’unité entre leurs fidèles.

Le président de la Conférence épiscopale du Tchad, Mgr Henry Coudray, a également demandé aux chrétiens et musulmans du Tchad à faire de leur foi un pilier de paix et de développement, à se voir tout simplement “hommes sous le regard de Dieu”, sans considération de leur identité confessionnelle ou religieuse.

“Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté, mais Il a voulu mettre à l’épreuve ce qu’Il vous a révélé. Faites assaut de bonnes oeuvres, (…) Il vous éclairera sur ce en quoi vous divergez”, a martelé le prélat catholique, citant une sourate du Coran.

Depuis 2008, au sortir des rébellions qui ont ensanglanté le Tchad, les fidèles musulmans, catholiques et protestants, à l’ appel de leurs leaders respectifs, dont feu Mgr Mathias Ngartéri, l’ancien archevêque de N’Djaména décédé il y a un an, se retrouvent dans toutes les villes du pays pour prier.

En 2010, le 28 novembre a été déclarée par le gouvernement ” journée nationale de prière pour la paix, la cohabitation pacifique et la concorde nationale”. Elle coïncide avec l’ anniversaire de la proclamation de la République du Tchad, le 28 novembre 1958.

Contrairement aux dernières éditions, la journée de la paix est célébrée cette année dans un contexte social tendu, exacerbé par la vie chère et la pénurie des hydrocarbures qui paralyse le pays depuis un mois et demi.

“Depuis quelques semaines, le climat social et politique semble tendu dans notre pays et pourrait s’emballer si on y prend garde. Déjà, on constate qu’aux revendications succèdent des actes de violences et des propos aux allures belliqueuses”, note abbé Raymond Madjiro, coordinateur national de la Commission épiscopale justice et paix, une organisation de l’Eglise catholique qui oeuvre pour la prévention et la résolution des conflits.

Cette escalade, si elle n’est contrôlée, ouvrira la porte à tous les extrémistes qui ne peuvent être que nuisibles à une paix toujours à construire, prévient abbé Madjiro.

Le président tchadien Idriss Déby Itno a appelé ses compatriotes musulmans et chrétiens à barrer la route à l’obscurantisme.

“Le contexte international marqué par des tensions politiques, économiques, sociales et religieuses, doit nous interpeller. Notre sous-région vit depuis quelques temps sous la menace terroriste”, a-t-il relevé.

Selon le chef de l’Etat tchadien, la position géographique du Tchad, situé dans une région fragile, à l’équilibre instable, recommande plus de prudence et de vigilance. “Le Tchad a besoin des prières de ses fils et filles pour consolider davantage son unité”, a-t-il conclu.