ECONOMIE – La pandémie du coronavirus a contraint le Tchad à mettre en arrêt plusieurs secteurs de son économie. Après plus de trois mois, à combien peut-on estimer le manque à gagner pour l’économie tchadienne ? Le président de la Chambre de commerce d’industrie, d’agriculture, des mines et d’artisanat (CCIAMA), Amir Adoudou Artine, répond aux questions de Tchadinfos.

Un manque à gagner qui s’élève à 6,7 milliards mensuellement

Amir Adoudou Artine

Comment la crise sanitaire a impacté la Chambre de commerce ?

Très tôt, nous avons anticipé l’impact de la Covid-19 par la mise en place d’un comité de réflexion pour l’incidence de la pandémie. C’est un comité multipartite composé de plusieurs secteurs d’activités, des représentants des ministères et des personnes ressources. C’est une initiative salutaire, parce que dès que le gouvernement a pris des mesures restrictives portant fermeture des marchés, on était tout de suite opérationnel. C’est pour ça qu’aujourd’hui on peut clairement mesurer l’impact réel de toutes ces mesures sur notre économie. Pas dans sa globalité parce qu’il y a un autre travail qui est en cours avec l’INSEC et le ministère de l’Economie, en partenariat avec la CCIAMA, pour pouvoir définir l’impact réel sur la totalité de notre économie. En ce qui concerne l’informel, nous avons quand même quelques données précises.

Par exemple pour la ville de N’Djamena, sur les dix arrondissements, il y a exactement 43.000 établissements qui sont concernés pour un manque à gagner qui s’élève à 6,700 milliards mensuellement. Quand la mesure s’est étendue sur les provinces, là également on a eu des données très précises qui concernent 20.300 établissements pour un manque à gagner au-delà de 3 milliards 300 millions. Cela veut dire que toutes ces mesures font perdre directement à ces petits établissements plus de 10 milliards.

On peut estimer que c’est 3 fois supérieur à ce montant-là

Amir Adoudou Artine

La chambre a-t-elle soutenu les artisans, agriculteurs… ?

La chambre n’a pas la capacité de les appuyer. Mais la chambre est en train de travailler étroitement avec le gouvernement sur des mesures d’accompagnement qui vont tendre à leur faciliter la campagne 2020. Et je pense que par rapport à cela, lors de son discours du mois d’avril, le président de la République a fait des promesses pour le développement du secteur rural. Des promesses qui sont tenues par la mise à disposition de mille tracteurs pour la production et un processus de livraison d’intrants de première qualité qui est en cours. Donc, nous pensons que tous ces éléments auront tendance à nous donner quand même une très belle campagne agricole 2020, malgré toutes les difficultés que nous avons subies.

Il nous faut au-delà de 950 milliards de francs CFA

Amir Adoudou Artine

Vous estimez à combien la perte que cette crise a fait subir à l’économie tchadienne ?

Il est encore prématuré de le dire. Ce que je viens de vous donner, ce sont les pertes mensuelles au niveau des petits établissements qui s’élèvent déjà au-delà de 10 milliards FCFA. Sur les grandes entreprises, connaissant un peu leurs poids, on peut estimer que c’est 3 fois supérieur à ce montant. Le reste je pense que le chef de l’Etat nous a donné un indicatif précis.  Pour pouvoir faire face à cette pandémie, il nous faut au-delà de 950 milliards de francs CFA pour pouvoir réellement atténuer les problèmes que la pandémie mondiale a créés chez nous.

“Quand la farine qui se renverse par terre on peut difficilement la réutiliser”

Amir Adoudou Artine

C’est un peu la loi du marché.  On peut essayer de faire son possible pour atténuer le choc, mais on ne peut pas ôter ce choc-là. C’est une perte qu’on a subie et comme on le dit communément chez nous, « quand la farine se renverse par terre, on peut difficilement la réutiliser ». La Covid-19 est l’un des coups durs qu’on a subis après le choc pétrolier. De ce fait, il va falloir qu’on se serre la ceinture, travailler collégialement pour pouvoir sortir un peu de cette impasse. Malheureusement c’est un problème d’ordre mondial et nous ne sommes pas les seuls. Il y aura forcément des dégâts collatéraux.

En 2021, il va falloir être courageux…

Amir Adoudou Artine

Comment sera l’après Covid-19 ?

Pour l’après Covid-19, je pense qu’il faut être courageux, quand vous avez des charges qui sont restées intactes avec plus de trois mois de non production. L’incidence va se répercuter sur les trois prochains mois d’exercice au minimum s’il n’y a pas d’autres méfaits qui s’y ajoutent.

Depuis 2015, le Tchad a traversé une crise foudroyante. En 2020, on avait bon espoir avec tous les efforts qui ont été faits sur les années précédentes pour arriver à la relance économique et l’espoir a été mis en 2020. Malheureusement, dès le démarrage de l’année, nous sommes impactés par cette pandémie et jusqu’aujourd’hui, notre économie n’a pas démarré. Même si un miracle se produit, nous avons la moitié de l’année qui est perdue. Donc ce serait une année déficitaire. En 2021, il va falloir être courageux, doublé des efforts et surtout être imaginatifs pour sortir des carcans dont nous sommes habitués à travailler.