Le phénomène de migration est un sujet d’actualité dont le monde ne cesse d’en parler. Pour des raisons de conditions de vie très difficiles, économiques, environnementales, d’emploi, des personnes sont amenées à quitter leurs pays d’origine pour aller à la conquête d’un Eldorado. Le Tchad a toujours été lié de manière historique à la migration car se situant au cœur de l’Afrique. Mais, l’immigration est plus accentuée au niveau interne caractérisée par l’exode rural. Seule une catégorie de Tchadiens, de la classe aisée surtout migrent vers l’occident, ce qui peut constituer une déperdition économique pour le pays.

La position géographique du Tchad au centre de l’Afrique en fait un carrefour, un lien entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est pour ceux qui souhaitent gagner le Moyen-Orient et principalement l’Arabie Saoudite. Il est aussi un point de passage pratiquement obligé pour les ressortissants d’Afrique subsaharienne qui cherchent à émigrer vers l’Afrique du Nord et aller au-delà, en Europe. Selon une étude préliminaire du phénomène des migrations au Tchad réalisées par l’Organisation internationale pour les migrations OIM Tchad en 2012, les mouvements d’émigration et d’immigration entre le Tchad et ses pays frontaliers (la Libye, le Soudan, la RCA, le Cameroun, le Niger et le Nigéria) constituent la base des dynamiques migratoires du Tchad. Ces échanges transfrontaliers très importants, s’expliquent par le fait que l’on trouve des communautés partagées de part et d’autre de la frontière. Le Tchad peut être considéré comme un pays d’émigration, d’immigration et de transit. Pour autant, les chiffres montrent que ces migrations sont quantitativement peu élevées. En effet, selon la Banque Mondiale, « le stock d’immigrants au Tchad était de 388 251 en 2010, soit 3,47% de la population. La même année, le stock d’émigrants tchadiens était de 243 300, représentant 2,1% de la population ».

Infographies des mobilités sur le
territoire tchadien réalisée par l’OIM Tchad- Mai

Le Tchad, pays d’émigration

La migration au Tchad s’explique par des raisons économiques et par la recherche de moyens d’adaptation aux difficultés environnementales, à la pauvreté, au manque d’activités et d’opportunités. C’est pour ces raisons que les Tchadiens migrent à l’intérieur et vers les pays proches à la recherche des sources de revenus suffisantes pour satisfaire les besoins de la famille. En interne, l’exode rural est en vogue. Pour l’OIM, les péquenauds, pour des raisons d’appauvrissement des sols, des conditions climatiques jouant sur les récoltes, affluent dans les grandes agglomérations pour se ressourcer financièrement. N’Djamena est la ville tchadienne qui enregistre le plus grand nombre des candidats à l’exode rural.

Si des prolétaires migrent en interne à la recherche d’une amélioration de leurs conditions de vie, une catégorie de personnes vivant dans une certaine aisance économique, ayant un emploi, abandonnent tout et choisissent migrer à la recherche des très meilleures conditions économiques. Toiyal Tatola fait partie de cette catégorie de personnes. Informaticien, il avait un train de vie modeste au Tchad. Employé chez la téléphonie mobile Tigo, il gagnait 1 000 000 F CFA mensuellement. Ce qui lui permettait d’avoir une situation économique stable. Après rupture de contrat avec son employé, Toiyal Tatola avait trouvé d’autres opportunités d’embauche. Mais celles-ci ne lui convenaient guère. « Je suis déjà habitué à un certain rythme de vie et de bien. Les salaires proposés dans les entreprises ne me convenaient pas », affirme-t-il. Pour de raison d’équilibre, Toiyal Tatola immigre au Canada en avril 2018 où il s’installe à Montréal. Depuis trois mois il a décroché un nouvel emploi. « J’ai un emploi dans lequel je gagne 46 000 dollars par an ; un autre avec 50 000 dollars aussi. J’aurai dû venir ici depuis », s’exclame-t-il.

Comme lui, bien de Tchadiens de classe moyenne ont tout abandonné, pays, boulot, pour s’installer ailleurs. Si pour Toiyal Tatola, il est question de garder l’équilibre économiquement, Ingamadji Mujos, artiste chanteur, immigré est à la recherche d’un climat favorable à l’éclosion de sa musique et d’une condition sociale aisée. Dans un de son morceau titré ‘Matinodji’ qui signifie ‘’je vais détruire le lien’’, il exprime et justifie clairement son attachement à sa seconde patrie qu’est la France qu’à son pays le Tchad. Voici l’extrait phare : « c’est ici que je vais rester (la France). C’est mieux de souffrir sur une terre étrangère que d’être esclave dans sa propre patrie (le Tchad).’’ Ces phrases traduisent l’exaspération de certains Tchadiens qui jugent les conditions de vie sociale extrêmement difficiles au pays de Toumai.

Comme le précise une source au sein de l’OIM, les données sur la migration au Tchad sont limitées sinon non contextualisées, il n’est pas aisé de chiffrer. Les principales sources sont les recensements de la population de 1993 et de 2009. Les agences humanitaires internationales disposent de quelques données chiffrées qui permettent d’avoir des éclaircissements sur les stocks de migrants. Mais l’accès aux sources d’information reste une difficulté majeure.

Total des Tchadiens arrivés en Europe selon une infographie de l’OIM- Mai 2018

Toutefois, « il y a une autre forme de migration qui n’est pas assez connue parce que les candidats font des démarches administratives normales avec des ambassades », explique le président de l’Association tchadienne de lutte contre l’immigration clandestine et le retour des immigrés, Ahmed Doungous Ahmed.  « Aujourd’hui le Tchad est en train de manquer de beaucoup de choses. Avec les grèves qui subissent, cela a incité les parents à envoyer leurs enfants et leurs familles à l’extérieur. Ce sont des parents aisés mais ils ont vu que si leurs familles restent au pays avec des grèves à répétition, les enfants auront un avenir assez bâclé en termes d’évolutions scolaires et académiques » poursuit-il. Aussi, pour des cas de maladies, beaucoup de Tchadiens qui jouissent d’une certaine aisance préfèrent aller se soigner hors du pays et parfois finissent par s’y installer. Ce qui constitue un réel manque à gagner pour le pays.

Si dans certains pays comme le Mali, la diaspora contribue au développement du pays avec plus de 538 milliards de francs CFA pour l’année 2017 selon une étude de la Banque mondiale, au Tchad ce n’est pas sûrement le cas. Que ce soit l’immigration de travail, économique, toutes convergent vers une meilleure condition de vie.

 

 

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