Les magistrats tchadiens ont décidé de durcir leur grève, entamée il y a plus de deux semaines pour protester contre l’abattement de la moitié de leurs indemnités et primes, au risque de paralyser l’appareil judiciaire.

La cour du palais de justice de N’Djamena, qui grouille d’ordinaire de monde, est désespérément vide. La porte de la grande salle d’audience est hermétiquement fermée. “Toutes les audiences sont suspendues. Elles ne reprendront qu’après la grève des juges”, déclare un gendarme en faction.

A l’instar des tribunaux de N’Djaména, toutes les juridictions du pays sont paralysées depuis trois semaines par le débrayage des juges. Un mois plus tôt, les greffiers, dont le syndicat est affilié à l’Union des Syndicats du Tchad (UST), avaient déjà déclenché une grève sèche pour protester contre la réduction des indemnités.

En juin et juillet dernier, les magistrats avaient déjà arrêté le travail pendant plusieurs jours pour protester contre l’arrestation de l’agresseur de leur collègue juge de paix et réclamer le paiement des primes de rendement de 2015. Cette grève avait considérablement perturbé le déroulement de la session criminelle de l’époque.

La grève en cours a été décidée contre l’une des seize mesures d’urgence annoncées fin août par le gouvernement pour faire face à la crise financière qui frappe le pays: la réduction de 50% des indemnités et primes des agents de l’Etat.

“Cet acte incarne l’illégalité, l’irrespect de la hiérarchie des normes et viole le principe de la non-rétroactivité des actes administratifs”, affirme Djonga Arrafi, secrétaire général du Syndicat des Magistrats du Tchad (SMT).

Le 14 octobre, au cours d’une assemblée générale extraordinaire, les magistrats sont montés au créneau pour exiger le retrait immédiat et sans condition du décret fixant cet abattement.

Un préavis de grève a été lancé, puis prorogé d’une semaine “afin de mener des démarches pour rencontrer le président de la République, chef suprême de la magistrature”.

Mais les démarches menées par le bureau du SMT auprès du gouvernement s’avèrent vaines. Et le 28 octobre, les magistrats décident d’un arrêt de travail de deux semaines. Tous les magistrats, sur l’ensemble du territoire, sont appelés à observer une grève sèche.

Face à cette troisième grève dans le secteur, le ministère de la Justice et le Conseil supérieur de la magistrature entament des discussions avec les leaders des organisations de magistrats, de greffiers, ainsi que des auxiliaires de justice (notamment les huissiers). Ces échanges débouchent, en milieu de semaine dernière, sur l’instauration d’un service minimum dans les tribunaux.

Le week-end dernier, au cours d’une nouvelle assemblée générale, les magistrats balaient du revers de la main cette résolution et reconduisent leur grève sèche pour un mois.

“La base n’est pas sur la même longueur d’onde que les autorités. Après des débats houleux l’assemblée générale a décidé de la poursuite de la grève sèche sans service minimum en l’assortissant d’une condition: le versement de deux mois d’arriérés de salaires”, explique Djonga Arafi.

“Si cette condition est remplie, le SMT pourrait parler de l’instauration d’un service minimum; dans le cas contraire, c’est une grève sèche”, ajoute-t-il.

Dans la foulée de la décision de la base de durcir le ton, le président du SMT, Ali Brahim Abdoulaye, jette l’éponge, sans donner aucune explication. Le juge à la Cour suprême démissionne, tirant les conséquences de son échec à convaincre ses confrères à assumer un service minimum.