Ce mardi, 1er septembre, dans une grande salle du ministère de la santé publique, l’ambiance est calme. L’angoisse et l’inquiétude se lisent sur les visages. Journalistes, personnel de santé ou membres de famille, tous attendent un grand événement. La présentation de Dr Ernest Besso, médecin, Azère Adoum, infirmier et Brahim Adam, chauffeur, enlevés par la secte Boko Haram en octobre 2019.

Le speaker, air serein, débout devant son pupitre, annonce l’entrée en salle de Dr Ernest Besso et ses deux collaborateurs. Des youyous, « Dieu ne dort pas », « Dieu est grand », mélangés aux cris, ont plongé la salle dans une ambiance complètement différente de celle d’il y a quelques secondes.  Visages pâles, cheveux ébouriffés et roux, le Dr Besso, Azère Adoum et Brahim Adam prennent place dans la salle, bercée par les pleurs des hommes et femmes venus nombreux saluer la remise en liberté de ces hommes kidnappés alors qu’ils étaient en mission dans le cadre de leur travail dans les contrées de Bagasola, dans la province du Lac Tchad.

Dans la foulée de l’émotion, c’est le délégué sanitaire de la province du Lac, Djibrine Abakar Sidick qui prend la parole. Il rappelle brièvement le rôle qu’il a joué en tant intermédiaire entre la famille et les autorités administratives. Il félicite ensuite les parents pour leur patience et leur bonne collaboration avant de demander au ministère de la santé de prendre en charge les trois ex-otages afin qu’ils bénéficient d’un accompagnement psycho-social.

Mbainguinam Dionadji, président de l’Ordre national des médecins du Tchad lui, précise que grâce aux bouts d’informations fournis par les autorités administratives et sécuritaires, ils avaient cru qu’un jour, ils retrouveraient leurs confrères et collègues. «  De cette petite étincelle est née aujourd’hui une grande lumière », se réjouit-il.

Prenant la parole, le Dr Ernest Besso remercie le Chef de l’Etat, les forces de défense et de sécurité et tout ceux qui les ont soutenus et contribué à leur libération.
« Si je me mets à raconter tous les dix mois que nous avons passés sur les différentes îles, principalement sur cette île du Niger, nous allons passer deux ou trois jours ici », balance Dr Besso, la voix grave. « A la date du 30 octobre, nous étions sortis dans le cadre de la supervision de la recherche active renforcée des maladies sous surveillance. Juste à 4 km de la zone de responsabilité de Tchokotalia, nous étions pris par 35 éléments de la secte Boko haram armés jusqu’aux dents. Nous avons fait 4 jours de marche à pied pour arriver dans leur base. La riposte de l’Etat tchadien lors de l’opération Colère de Bohoma a été foudroyante. Cette riposte a permis de mettre hors état de nuire ces éléments mais aussi a été un facteur déclencheur de notre libération », raconte le médecin. « Lors la colère de Bohoma, la secte a ramené beaucoup de blessés que j’ai pu soigner en exerçant mon travail de médecin. Je sais qu’ils ont fait du mal à ce pays mais moi aussi, pour sauver ma vie, j’étais obligé de les soigner », se justifie-t-il. « Et c’est après ça qu’ils ont décidé de nous libérer », lâche-t-il. « Nous mangions de n’importe quoi, nous buvions toute sorte d’eau, moi par exemple, j’opère les blessés sans gants, sans rien. Entre 200 à 300 personnes que j’ai opérées sans rien. C’est difficile, soupire Dr Besso.

A entendre ce récit de Dr Besso, toute la salle est plongée dans la compassion. Abdoulaye Sabre Fadoul, ministre de la santé publique et de la solidarité, félicite les désormais ex-otages de Boko haram et salue le courage et l’endurance des parents et collègues de ces hommes «  qui ont vécu l’enfer ». Répondant à la requête du délégué, il souligne « qu’il n’est pas nécessaire de leur rappeler qu’il faut s’occuper de ces trois ex-otages. C’est notre devoir et je m’engage personnellement à ce que Dr Besso et ses collaborateurs soient suivis aussi longtemps que possible ». Salve d’acclamation dans la salle. Il promet que dès la fin de cette cérémonie de présentation, Dr Besso et ses deux collaborateurs seront conduits à l’hôpital de la Renaissance pour les premiers examens avant de regagner leurs familles. Ensuite, d’autres examens suivront jusqu’à ce qu’ils soient de nouveau prêts à travailler. « Prenez tout le temps qu’il vous faut pour retrouver la vie normale », ordonne le ministre à Dr Besso, Azère Adoum et Brahim Adam.