Dans la province du Bahr El Gazal, les élèves abandonnent de plus en plus le chemin de l’école. Et cela au profit de l’armée, de l’orpaillage,pour les garçons. Les filles sont, quant à elles, précocement mariées.


A 9 heures, les rayons solaires se reflètent sur le sol sableux de Chadara, chef-lieu du département de Bahr El Gazal Ouest. Au sud de la résidence du préfet, l’on entend la voix des enfants qui chantent dans une école primaire. Un chant qui ne dit rien à Ahmat qui actionne le câble du groupe électrogène lui permettant d’arroser le jardin de son père. Cette tâche, le jeune garçon d’environ 11 ans le fait quotidiennement et y passe presque toute la journée. Il n’a pas été inscrit à école faute de moyens, informe un responsable du centre communautaire Reste-Trust Fund.

Ahmat n’est pas le seul à se retrouver dans cette situation. “Plusieurs enfants font pareil”, indique Brahim Saleh, agent mobilisateur à l’Association d’appui aux initiatives pour le développement rural (AIDER), de la province du Bahr El Gazal.

La ville de Chadara possède deux établissements. L’un est une école primaire construite depuis l’époque coloniale, l’autre est un Collège d’enseignement général (CEG). Au primaire, on constate de l’engouement. “Une classe renferme plus de 200 élèves”, indique Abdelkrim, un enseignant de la localité.

Un effectif qui décroît au fur et à mesure que le niveau augmente.”Nous avons aussi un collège. Mais là-bas, il y a moins de trente élèves dans tous les quatre niveaux, du 6e au 3e. Dans certains villages, les enfants ne mettent même pas pied à l’école”, déplore l’enseignant.

Un abandon qui s’explique d’une part par le manque des CEG et lycées dans la localité. “Certains enfants préfèrent aller dans les régions environnantes pour continuer leurs études telles que Massakory et autres”, confie-t-il. D’autre part, on évoque le manque de moyens financiers. “C’est récurrent ici. Les élèves demandent des téléphones, motos avant d’aller à l’école. Et quand les parents ne répondent pas favorablement à leurs demandes, ils abandonnent le chemin du collège. Même hier, le fils de mon petit frère a regagné le champ de l’orpaillage”, explique Adam, assistant de l’imam de la mosquée de Chadara. Certains élèves quittent les bancs de l’école pour rejoindre les rangs de l’armée. “Imaginez, un enfant de 15 à 16 ans on lui donne l’arme, de l’argent, un engin comment va-t-il étudier ?”, s’interroge t-il.

En dehors de Chadara, le constat est le même dans les villages environnants notamment à Fassaladjouli et Michémiré. Même à Moussoro, le chef-lieu de la province, une partie seulement des enfants part l’école. “Même ceux-là, on a fait une visite l’année derrière, il se trouve que les parents assurent l’argent de poche avant qu’ils ne partent. Sans cela, beaucoup refusent d’y aller”, indique Brahim Saleh, agent mobilisateur de l’Association d’appui aux initiatives pour le développement rural (AIDER).

Du côté des filles, le mariage précoce est la principale barrière à la poursuite des études. Après la classe de CM2, elles sont sommées de regagner le foyer.

Une situation dont la responsabilité incombe en grande partie aux parents, selon la déléguée de l’action sociale de la province du Bahr El Gazal, Samira Malo. “Il y a un manque de contrôle. Quand les enfants reviennent de l’école, les parents ne prennent pas le temps de vérifier si l’enfant a été réellement à l’école. Et quand l’enfant abandonne le chemin de l’école, les parents ne disent rien”, dénonce-t-elle.