L’Etat tchadien, face à la crise qu’il traverse, n’est plus en mesure de donner la subvention nécessaire à couvrir les charges de la Société Tchadienne des Eaux (STE). Pour pallier cette difficulté, son Conseil d’administration vient d’entériner l’arrêté ministériel qui fixe de nouveaux tarifs de l’eau pour les centres concédés à la STE, selon un message de ladite société publié cette semaine.

En janvier 2018, la STE pratiquera de nouveaux tarifs au mètre cube de son produit. Le tarif actuel est en vigueur depuis 1984, du temps de la STEE (Société tchadienne d’eau et d’électricité). Même au fort moment de la dévaluation du franc CFA en 1994, les tarifs d’eau de la STEE n’avaient pas été modifiés.

“A cette époque déjà, les responsables de la société voulaient un changement de tarif pour équilibrer les comptes, mais les hautes autorités n’ont pas voulu que le prix de l’eau change, parce que c’est un produit social”, indique le document dont Xinhua a obtenu copie.

Le président tchadien Idriss Déby Itno a décidé alors l’octroi d’une subvention à la société productrice pour éviter que les tarifs ne changent. Depuis lors, cette subvention a toujours été assurée par l’Etat jusqu’en 2015. Mais depuis plus de deux ans, le Tchad est confronté à une grave crise financière et économique sans précédent qui paralyse le fonctionnement de l’Etat et de l’économie.

En 2011, pour rendre la STEE plus performante, l’Etat l’a restructurée en deux entités distinctes: la STE et la Société nationale d’électricité (SNE). Or, quand ces deux sociétés ne formaient qu’une, c’est le prix de l’électricité qui supportait celui de l’eau, confie la direction générale de la STE. Maintenant qu’elles sont séparées, chacune d’elles doit supporter le poids de sa charge.

“Et là, il y a une difficulté au niveau de l’eau, parce que les tarifs de l’eau ne couvrent pas à 100% les charges occasionnées par sa production. La preuve, pour 1 m3 d’eau produite, la société perd au tarif qu’il pratique 51 francs CFA. Imaginez les millions de mètres cubes que la société perd dans sa zone de couverture du territoire national. C’est des sommes d’argent colossales perdues”, selon le document.

Pour pallier cette énorme perte, l’Etat a toujours versé sa subvention. “Aujourd’hui, avec la crise que traverse le pays, il est à bout de souffle. En outre, les accords que l’Etat signe avec les bailleurs de fonds, ne lui permettent plus de subventionner les sociétés, bien que la STE soit à 100% étatique”, déplore le document.

Devant cette difficulté majeure, l’Etat a encore engagé des réformes pour que la société soit redynamisée pour pouvoir se prendre en charge. Dans ce cadre de réformes intervient l’aspect tarif qui doit au moins suffire à couvrir les charges de la société. Main la main sur le cœur, les responsables de la STE affirment que leur société ne réalise aucun bénéfice. A ce titre, c’est juste pour couvrir l’ensemble des charges de fonctionnement que le changement de tarif est intervenu.

Le nouveau tarif prendra effet d’ici janvier 2018. “Et malgré cette augmentation, les tarifs d’eau de la STE applicables dans toute sa zone de couverture nationale restent des plus faibles dans la sous-région, voire dans le monde entier”, affirme la direction de la STE. A titre d’exemple, la République centrafricaine voisine, moins nantie comme le Tchad, vend son mètre cube d’eau à 200 francs CFA alors que jusqu’à ce que n’intervienne l’arrêté n°013 du 21 février 2017 qui fixe les nouveaux tarifs, la STE vend son mètres cubes d’eau à 105 francs CFA à partir de 0 à 15 mètres cubes (en première tranche). En 2ème tranche (16 à 1000 mètres cubes), le coût varie à 230 francs CFA par mètres cubes. Au-delà de 1000 mètres cubes, le tarif se réduit à 110 francs CFA par mètre cube. “Dans la logique, ce dernier tarif appliqué à la 3ème tranche des consommateurs présente une injustice criarde. En effet, dans l’ancien tarif, ce sont les plus petits consommateurs (des individus, de simples ménages) qui paient l’eau plus cher, tandis que les grandes entreprises sont privilégiées. C’est que plus elles consomment, moins elles paient.

“Il va falloir sauver les meubles”, martèle la direction de la STE. Ainsi, pour que la société n’arrive pas à un stade critique où elle sera obligée de mettre la clé sous le paillasson, ses responsables ont dû commander une étude. L’étude tarifaire a été réalisée par un cabinet international français avec un financement de la Banque mondiale afin de répondre aux normes.

“L’application de ce nouveau tarif ne provient pas d’un hasard, loin s’en faut”, se défend la direction de la STE. Elle précise que telle que la nouvelle grille tarifaire se présente, les ménages tchadiens estimés à six ou huit personnes pourront s’offrir de l’eau potable de la STE à un prix raisonnable. “Selon les normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque personne consomme 40 litres d’eau par jour pour ses besoins vitaux (manger, boire, se laver, etc.). Ces normes prévoient qu’une petite famille de six personnes ne consomme pas pendant le mois plus de 6 mètres cubes d’eau. Or, dans nos ménages, c’est à un abus, à un gaspillage d’eau à quoi on a toujours affaire”, déplorent les responsables de la STE qui exhortent les consommateurs à proscrire le gaspillage d’eau. “Préservons l’eau, et mieux nous pouvons contrôler les dépenses afférentes”, concluent-ils.

Au Tchad, le taux d’accès à l’eau potable est seulement de 46%, selon des estimations du ministère tchadien de l’Eau et de l’Assainissement. Avec les concours de ses partenaires, le gouvernement veut atteindre au moins un taux d’accès durable à l’eau de 60,5% en milieu rural et 70% dans la zone urbaine.

La capitale tchadienne n’est desservie actuellement qu’à hauteur de 30%. Le 29 novembre 2017, le ministre de l’Eau et de l’Assainissement, Siddick Abdelkérim Haggar, a lancé les activités du projet de réhabilitation et d’extension du réseau d’eau potable dans la zone urbaine et périurbaine de la capitale, d’un coût de plus de 100 milliards francs CFA, financé à 50% par la Hollande. Ce projet qui sera effectif d’ici 2021, vise à améliorer les vétustes conduites d’eau de la STE et à renforcer les capacités managériales et techniques de ses agents. Il devra permettra d’accroître ce taux de couverture pour atteindre un minimum de 80% à l’horizon 2030.