REPORTAGE – La pratique de la tontine est devenue vitale pour les femmes. Elles sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers ce système d’épargne tournant. Une manière d’économiser et avoir une somme importante.

Le repère est un pagne attaché à l’entrée de la concession. À l’intérieur, les hôtes de Kaltouma* ont pris place sur une natte superposée par un tapis. Au fond sonore des discussions, une musique rumba congolaise tient en haleine les invitées.

« Nous sommes tous là », lance Mouna*, organisatrice de la tontine. La collecte de fonds est lancée. Chaque femme de son sac à main ou du bout de son pagne sort de l’argent et remet sa part à la caissière. A côté d’elle, la secrétaire qui mentionne l’apport de chacune d’entre elles sur un registre à portée de main.  À l’intervalle de 20 minutes, les 27 femmes ont remis chacune 17 000 francs CFA à la caissière.

“Je veux préparer la rentrée scolaire de mes enfants, injecter un peu dans mon commerce

Kaltouma*

« La somme totale est de 459.000francs CFA soit 405.000 franc CFA pour la bénéficiaire, 40.500 francs CFA pour la collation, et 13.500 francs CFA pour la caisse », annonce Mouna*. Un youyou jovial est poussé par les autres femmes. La bénéficiaire, Kaltouma* dans sa robe droite affiche sa joie débordante au regard de tout le monde. Elle encaisse 445 500 franc CFA en toute coupure de banque confondue.

Un montant colossal pour la jeune femme. « Je veux préparer la rentrée scolaire de mes enfants, injecter un peu dans mon commerce, et me payer quelques choses » fait savoir la bénéficiaire. Kaltouma* est la 18eme à être tirée au hasard cet après-midi. Sur les 27, elle lui reste à contribuer pour neuf personnes à tour de rôle.  

“Les banques ne vont jamais m’octroyer des crédits

Bintou*

Le volume de la musique est légèrement augmenté. Le son retentit aux quatre coins de la concession. Aussitôt un plat de poulet accompagné des frites de plantain est servi aux invités. Les plus pressées ont emballé leurs parts. Bintou* en fait partie. La jeune femme quitte le lieu rapidement pour prendre part à une autre tontine dans le 3e arrondissement. Bintou* participe à des groupes de tontine depuis 7 ans. Elle ne verse pas moins de 25 000 francs CFA par mois à ces groupes de tontine. Une somme que la trentaine dégage de ses investissements commerciaux.  Bientôt elle touchera un million de franc CFA. Un montant qui a déjà son projet bien scellé. Démarrer enfin, le chantier de la construction sa maison.

En 2016, elle acquiert un terrain à Walia dans le 9e arrondissement de N’Djamena. « Les banques ne vont jamais m’octroyer des crédits. Pour une vendeuse de poisson comme moi, je ne possède aucune garantie de remboursement aux banques. Alors la meilleure solution pour nous, c’est de nous organiser nous-mêmes les femmes. C’est pourquoi nous avons mis sur pied cette tontine », explique-t-elle.   

La tontine « Paaré hanana » regroupe exclusivement que des femmes. Sur les 27 femmes, huit seulement sont lettrées. Autrement la plupart ne savent ni lire ni écrire. Au Tchad, les femmes représentent 52% de la population. 55,6% de cette couche de la population est analphabète, une situation qui désavantage leur accessibilité aux micro-crédits ou des prêts des banques. Du coup la tontine qui est loin d’être une nouveauté au Tchad continue de grandir dans l’informel qui occupe déjà environ 80% de la majeure partie de l’économie tchadienne.