Dans une lettre parvenue à Tchadinfos ce mercredi, le défenseur des droits de l’homme Mahamat Nour Ibedou remercie ceux qui l’ont soutenu pendant sa détention. Voici le contenu.

Apres avoir passé deux jours dans les locaux de la police judiciaire puis un mois et trois jours dans le purgatoire d’Amsinéné, me voila libre ce mercredi 08 janvier 2020!  

Le même juge d’instruction (ou celui qui en tient lieu) qui avait délivré le 05/12/2019  sans aucune charge sur moi un mandat de dépôt vient de signer  le 08/01/2020  c’est-à-dire un mois plus tard, une ordonnance de non-lieu, reconnaissant du coup avoir emprisonné impunément un innocent ; ce phénomène en soi  est révélateur du degré de putréfaction avancée de notre système judiciaire.

Dans les pays qui se respectent, le juge d’instruction est le magistrat le plus libre ; il prend ses décisions en toute indépendance ; c’est tout le contraire au Tchad où des individus au cursus douteux sont nommés juges d’instruction pour recevoir des ordres et servir ainsi de bras armé au pouvoir afin de neutraliser toute voix discordante.

Nous reviendrons plus amplement sur la déliquescence du système judiciaire et pénitentiaire tchadien dans d’autres postes.

Pour l’instant, qu’il me soit permis d’adresser ici à toutes et à tous, ma très profonde gratitude ; surtout à ces personnes, ces personnalités  et organisations internationales et nationales ainsi que ces associations ou ces simples plateformes qui, à des degrés divers, de près ou de loin ont contribué à faire triompher la vérité .

Mes  remerciements s’adressent pour commencer à mes conseils  défenseurs des droits humains : Me Kemneloum Delphine Djiraibé;  Me Jacqueline  Moudeina, , Me Mahamat Hassan Abakar ; Me Lambi Soulgan, Me Middaye Guérimbaye et Me Ndiliam Nouadjimtog ainsi que tous les autres avocats nationaux qui s’étaient constitués spontanément pour moi. Ce sont  d’éminentes personnes  dont le professionnalisme et la perspicacité ont permis de mettre à nu les intrigues et autres machinations procédurales orchestrées par des pseudo magistrats au service exclusif du mal.   

Je n’oublierai jamais l’acte posé par  les présidents des barreaux des pays étrangers et les avocats étrangers venus participer à la Conférence Internationale des Barreaux (CIB) qui avaient sans hésiter, délégué plus d’une dizaine  des leurs pour se constituer conseils pour moi. Il est clair que le travail accompli au niveau diplomatique par ces avocats et présidents des barreaux étrangers après leurs retours dans leurs pays respectifs a été déterminant et a contraint le dictateur à ordonner ma libération. Que ces éminentes personnalités reçoivent ici l’expression de  ma profonde gratitude. Je pense notamment à Me : Pierre –François Feltesse ; Alexandra Boret ; Raphaëlle Rischmann ; Dominique Tricaud ; Amandine Sbidian ; Yves Oschinsky ; Jaafar Delphine ; Martin Pradel ; Vincent Filola ; Cousi Olivier ; Sedilot Richard ; Laurence Crief ; Julie Godinek ; Emmanuel Ravanas ; Rachid Madid ; Braban et Saskia Ditisheim ainsi que tous les autres.

Les soutiens intérieurs et extérieurs n’ont évidemment pas été du reste et leurs actions ont permis de vulgariser au niveau national, continental et mondial la vraie face de la gouvernance d’Idriss Déby au Tchad démontrant ainsi au monde entier que les tchadiens sont livrés à un système despotique dissimulé derrière un grossier saupoudrage démocratique.

Au plan intérieur, mon infinie reconnaissance  est d’abord pour les jeunes de la coalition  FREE IBEDOU dont l’engagement et la ténacité dans les actions citoyennes ont permis de maintenir une pression permanente et de tous les instants sur les forces du mal.

Une mention spéciale est à inscrire à l’actif des victimes des crimes et répressions de Hissein Habré dont la mobilisation n’a pas failli une seule seconde, et qui ont répondu présents à toutes les étapes de mon arrestation et incarcération ; bravant toutes les intempéries, les victimes de crimes et répression du système Hissein Habré  en dépit de leurs âges avancés avaient toujours été là.

Je n’oublierai jamais le précieux soutien multiforme apporté par la Plateforme syndicale, le Syndicat des enseignants du Tchad (SET), le Collectif des organisations de la Société Civile (COSC) ; le Collectif des Associations des Droits de l’Homme (CADH), le Comité de Suivi pour l’appel à la paix et à la Réconciliation (CSAPR) et toutes les Associations des Droits de L’Homme et Organisations similaires qui se sont manifestées par des communiqués et autres conférences de presse afin d’exiger ma libération immédiate.

Ma reconnaissance va également vers les partis politiques d’opposition démocratique dont l’élan de solidarité manifesté à mon égard m’a été d’un réconfort inestimable.

Mes remerciements vont également vers les contributeurs anonymes qui ont soutenu moralement et matériellement ma famille  à surmonter cette épreuve durant cette période difficile ; ma pensée va également vers toutes les  personnes ayant émis sur les réseaux sociaux des post en faveur de ma libération, ceux qui ont  partagé et relayé sur facebook la pétition Free Ibedou signée par de milliers de citoyens épris de dignité humaine et de justice sociale de par le monde.

Nous ne saurons clore ce chapitre au niveau national sans adresser une mention spéciale à la presse écrite indépendante locale dont les éditoriaux et autres commentaires ont permis de mettre à nu les machinations éhontées du pouvoir. La presse parlée elle aussi n’a pas été du reste et en relayant les informations sur le complot ourdi sur ma personne et en éclairant le  Tchadien lambda  sur les tricheries du pouvoir, elle a été d’un apport déterminant dans l’éclatement de la vérité.

Je n’oublie pas la presse en ligne dont le soutien ne m’a jamais fait défaut pendant mon arrestation et qui figure en bonne place dans la liste des institutions ayant contribué efficacement à ma libération.

Au niveau international

Nous adressons nos sincères remerciements aux organes de presse étrangers  et aux organes de presse en ligne ainsi qu’aux organisations qui ont produit des articles et communiqués de presse ainsi qu’aux  personnalités politiques étrangères qui sont intervenues par des plaidoyers auprès des autorités tchadiennes pour faciliter les choses. Nous pensons aux différents acteurs suivants :

La Conférence Internationale des Barreaux (CIB) ; Amnesty International ; la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) ; l’Organisation SURVIE ; ACAT-France, Secours Catholique, RADDHO , Tournons la Page, Avocats Sans Frontière (ASF) ; la délégation au Tchad de l’Union européenne et la division Afrique Centrale de l’U.E de Bruxelles ; l’Ambassade des Etas Unis au Tchad ;

J’adresse à cette occasion, une reconnaissance spéciale à l’Organisation Tchad – Zéro Corruption qui, en m’attribuant le prix de l’Honnêteté au Tchad a permis de balayer l’image que les forces du mal voulaient à tout prix me coller, mettant ainsi en échec les machinations grotesques du pouvoir.

Une mention spéciale est adressée aux camarades patriotes de la diaspora ; ces compagnons de lutte, nos relais naturels, nos soutiens de tous les jours ont toujours été à l’avant-garde du combat contre le régime exécrable de Déby n’ont ménagé aucun effort en dépit des perturbations du réseau des transports et de la rudesse du climat européen se sont mobilisés et ont manifesté pour exiger ma libération immédiate ; ma gratitude n’arrivera jamais à la hauteur des actes qu’ils ont posés.

Parmi les personnalité qui s’étaient investies pour ma libération je citerai Thomas Dietrich, écrivain et universitaire, membre de la France Insoumise, Me Dominique TRICAUD,  avocat aux barreaux de Paris, M.Bastien Lachaud, député France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, président de la France Insoumise, Patrice Finel, conseiller politique sur l’Afrique (France Insoumise), Michel Forst, rapporteur spécial des Nations Unies sur les défenseurs des droits humains et Alioune Tine, rapporteur spécial des Nations Unies au Mali, ; que ces éminentes personnalités reçoivent ici, l’expression de notre profonde gratitude.

Pour finir, je dirai que je serai toujours reconnaissant à la quasi-totalité de tout le peuple de mon pays qui, me connaissant ne s’était jamais laissé abusé par les intrigues et les machinations du pouvoir à mon encontre.

Enfin, que celles ou ceux, organisations ou personne physique, qui ont certainement contribué à la réalisation de cet heureux événement et dont les noms  n’ont pas été citées ici, sachent  que cela l’a été  par inadvertance ; qu’ils reçoivent ici , l’expression de mes excuses les plus profondes.

A tous et à toutes, je dis en cinq (5) lettres MERCI !

Mahamat Nour Ahmat Ibedou (SG de la CTDDH)