Le Tchad, un des pays les moins urbanisés du monde, fait pourtant face à une urbanisation forte et anarchique ces dernières années. Cette urbanisation peu maitrisée, soutenue par un taux de croissance démographique qui ne cesse de s’accroitre, a de nombreuses conséquences, notamment sur les logements.

“Selon les statistiques, le continent africain affiche un taux de croissance urbaine le plus élevé au monde, soit 4,5%, et plus de 70% de la population africaine, d’ici à 2050, habitera en milieu urbain. Dans cette perspective, il est urgent pour nos Etat de prendre des mesures appropriées afin de permettre une gestion efficace du développement des villes et une prise en compte effective des questions liées non seulement aux problèmes ci-dessus soulevés, mais également à la résilience, à la mobilité, ainsi que celles se rapportant à l’emploi, à la répartition équitable des équipements socio-collectifs, à la sécurité et à la gouvernance urbaine”, déclare David Houdeingar, ministre tchadien de l’Aménagement du territoire, du Développement de l’habitat et de l’Urbanisme.

Au Tchad, le rythme d’urbanisation a dépassé tous les pronostics. A l’échelle nationale, la population urbaine est passée de moins de 10% de la population totale en 1960 à 30% de 2010, puis à 32% aujourd’hui. Cette situation est encore plus accentuée pour la capitale dont la démographie s’est accrue par 14 en 40 ans, soit de 84.000 habitants en 1960 à près de 1,2 million en 2010. Creuset de la nation tchadienne, principal pôle d’attraction du pays, N’Djaména concentre 40% de la population urbaine et un dixième de la population totale. Certaines études évoquent même les chiffres de 2 millions d’habitants aujourd’hui et 3 millions en 2035.

Cette croissance démographique s’est accompagnée d’une extension spatiale considérable. La surface urbanisée est passée ainsi de 570 ha en 1950 à 1.480 ha en 1960, puis 4.119 ha en 1974 à 5.500 ha en 1989 et à plus de 7.000 ha en 1999. Elle est aujourd’hui de plus de 20.000 ha. L’installation d’une raffinerie à Djermaya, à une trentaine de kilomètres au nord, la construction d’un campus universitaire à Toukra à 15 km au sud et du Palais de l’Assemblée nationale à l’est, orientent aujourd’hui l’aménagement de la ville dans ces trois directions. Ces nouveaux pôles concentrent d’âpres enjeux fonciers. Ces initiatives, ajoute l’enseignant-chercheur, ont permis d’améliorer la qualité de vie des N’Djaménois, mais beaucoup reste à faire, notamment en matière de drainage des eaux de pluies, d’alimentation en eau potable et en électricité.

“Même si les prévisions les plus minimales des experts prévoient, à l’horizon 2050 pour notre pays, une urbanisation à 37,8%, il est évident que la croissance urbaine anarchique aura des conséquences économiques et sociales désastreuses si des mesures idoines ne sont pas envisagées dès à présent pour les maîtriser”, prévient M. David Houdeingar.

Depuis six jours jusqu’à lundi à N’Djaména, des représentants des collectivités territoriales décentralisées, du secteur privé, de la société civile, d’associations professionnelles, des parlementaires, des universitaires, des spécialistes du secteur de l’urbanisme et de l’habitat, des partenaires techniques et financiers, réfléchissent sur les conditions d’une émergence urbaine de ce vaste pays d’Afrique centrale.

Dans une déclaration dite de N’Djaména, signée au cours de la 5ème Conférence ministérielle africaine sur le logement et le développement urbain, tenue en février 2014 dans la capitale tchadienne, les ministres en charge de l’urbanisme en Afrique ont décidé d’offrir des logements décents à leurs populations. Ils ont réaffirmé la nécessité de lutter contre la pauvreté en milieu urbain, la création des emplois décents et le développement de la productivité afin d’améliorer la vie des populations africaines précisément dans les bidonvilles et les quartiers informels en leur assurant l’accès à la sécurité d’occupation, à un logement à coût abordable.

Selon le document de N’Djaména, l’Afrique devrait se préparer à une augmentation de 60% de sa population à l’horizon 2050. Cependant, les financements consacrés à l’habitat et aux infrastructures urbaines restent insuffisants et les politiques et conditions dont ils sont assortis ne sont pas adaptables ni au niveau des emprunts ni aux capacités d’emprunt de la majorité des populations urbaines.

Le gouvernement tchadien a créé, il y a quelques années, une Banque d’habitat, qui tarde pourtant à être opérationnelle. Par manque d’une promotion immobilière efficace, la quasi-totalité des logements sont ainsi réalisés en auto-construction au Tchad. Seulement 2.300 unités de logement sont construites chaque année, alors que les besoins sont estimés à 28.000 unités de logement par an, selon des données du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat.

“Plusieurs efforts ont été faits et continuent d’être faits avec l’appui de nos partenaires au développement, dont en première ligne l’ONU-Habitat, pour permettre d’asseoir un développement urbain durable”, tempère David Houdeingar.

Un schéma national d’aménagement du territoire, quatre schémas régionaux d’aménagement du territoire et quinze plans urbains de référence ont été ainsi réalisés. Dans le cadre de la gestion foncière, un nouveau code domanial et foncier élaboré par le gouvernement, se trouve en ce moment sur le bureau de l’Assemblée nationale. Un Guichet unique des affaires foncières a été institué pour faciliter l’accès à la terre et sécuriser les documents y afférents.

“Dans le domaine des logements sociaux en faveur des plus démunis, le gouvernement est en train d’élaborer un nouveau programme devant couvrir les besoins de la population durant les quinze prochaines années”, explique le ministre de l’Aménagement du territoire, du Développement de l’habitat et de l’Urbanisme.

Ces dernières années, le gouvernement tchadien a en effet multiplié les efforts dans le cadre des programmes de logement. Un Projet de développement urbain et d’amélioration de l’habitat (DURAH) a été mis en place avec l’aide du Programme des Nations-Unies pour le Développement. Il vise la construction de 12.000 logements et l’amélioration de l’habitat. L’on a commencé par les logements sur un site dénommé la Patte d’oie, à la sortie nord de la capitale tchadienne. Malheureusement, seuls 70 logements y sont construits à ce jour.

Après l’échec du projet DURAH, une Société de promotion foncière et immobilière (SOPROFIM) a été créée en 2009, avec pour mission de faire un programme de logements sociaux, de viabilisation des quartiers en vue de permettre aux populations d’avoir accès aux logements décents.

Avec l’expertise et un financement additionnel de Shelter Afrique, leader dans le financement du secteur de logements sur le continent, le Tchad a viabilisé 50 hectares à Toukra, à la sortie sud de la capitale, pour y construire une centaine de logements sociaux. Dans les années à venir, le gouvernement a promis de viabiliser entre 3.000 et 5.000 parcelles et d’y construire 500 logements sociaux par an.

Dans le cadre d’une coopération Sud-Sud avec le Maroc, le président tchadien Idriss Déby Itno avait lancé, en juin 2014, les travaux de construction de 15.000 logements sociaux dans quatre quartiers de la capitale, pour un coût supérieur à 300 millions d’euros, financés entièrement par le Maroc.